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Principes de base de l'effet de serre
04/05/2020
Article tiré d'un atelier réalisé dans le cadre du cycle « Le Rendez-vous des sciences - Comprendre et enseigner le changement climatique », organisé par le Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, les 21-22 mai 2019 à Paris.
Résumé
L'objet de cet article est d'expliquer les principes physiques de l'effet de serre en prenant l’exemple simple d’une plaque recouverte par une vitre, et de présenter le modèle d’effet de serre à une couche très souvent utilisé.
L’analogie avec l’atmosphère de la Terre n’est que rapidement mentionnée, l’effet de serre sur Terre est l’objet d’un second article
Table des matières
1. Y a-t-il un effet de serre dans une serre ?
C'est Joseph Fourier qui a supposé en premier (en 1824) que l’absorption du rayonnement infrarouge par l'atmosphère faisait augmenter la température de surface de la Terre : « C’est ainsi que la température est augmentée par l’interposition de l’atmosphère, parce que la chaleur trouve moins d’obstacle pour pénétrer l’air, étant à l’état de lumière, qu’elle n’en trouve pour repasser dans l’air lorsqu’elle est convertie en chaleur obscure. »
Pour énoncer cette hypothèse il se basait sur les expériences du naturaliste genevois Horace Benedict de Saussure qui employait un montage ressemblant à une serre horticole, d'où le nom d'effet de serre.
Dans une serre horticole, le réchauffement provient essentiellement de la diminution de la convection. Les parois de la serre, qu’elles soient en verre ou en plastique, limitent les déplacements d’air et donc les échanges par convection et évaporation. Le refroidissement du sol s’en trouve diminué, le sol et l’air dans la serre se réchauffent donc. Lorsque les parois sont en verre, matériau qui absorbe le rayonnement infrarouge, cette absorption augmente un peu ce réchauffement. Par contre lorsque les parois sont en polyéthylène, matériau transparent au rayonnement infrarouge, il n’y a pas de réchauffement dû à l’absorption du rayonnement infrarouge.
La plupart des serres horticoles actuelles ayant des parois en polyéthylène, le réchauffement à l’intérieur n’est pas dû à l’absorption du rayonnement infrarouge mais à la diminution de la convection.
Sur la Terre et les autres planètes, on parle d’effet de serre quand on fait référence à l’absorption du rayonnement infrarouge par l’atmosphère. En général cette absorption conduit à un accroissement de la température de surface, comme dans la serre horticole, mais pour des raisons physiques différentes : la diminution des pertes par rayonnement domine dans un cas, alors que la diminution des pertes par convection domine dans l’autre.
Si on examine la plupart des expériences proposées pour illustrer « l’effet de serre dû au CO2 », le dispositif expérimental est constitué ainsi : un fond noir (« sol ») recouvert d’une cloche transparente contenant de l’air (ensemble représentant l’atmosphère) est éclairé par une lampe (représentant le soleil), figure 1.
Si on remplace l’air initialement contenu dans la cloche par du CO2, on peut constater une augmentation de la température, mais pour des raisons qui ne sont pas forcément bien identifiées, et qui sont difficilement attribuables aux effets radiatifs. En effet, une couche d’air humide à 20°C de 20 cm d’épaisseur absorbe environ 5% du rayonnement infrarouge et en absorbe environ 15% quand cet air est remplacé par du CO2 pur. Dans les deux cas l’absorption du rayonnement infrarouge est faible. Par contre les propriétés thermophysiques de l’air et du CO2 pur étant différentes, les échanges par convection et conduction sont différents et cette différence est la principale cause de l’augmentation de température observée.
L’approche qu’on utilisera ici est de présenter quatre « briques » qui seront ensuite utilisées pour expliquer les principes physiques de l’effet de serre :
- Le rayonnement thermique ;
- La dépendance spectrale du rayonnement ;
- L'absorption et l'émission du rayonnement ;
- La conservation de l’énergie.
En résumé :
L’effet de serre est une expression-piège : dans le langage courant, elle fait référence au réchauffement à l’intérieur des serres horticoles et ce réchauffement est essentiellement dû à l’effet de confinement. En science du climat elle fait référence au réchauffement de la surface des planètes dû à l’absorption du rayonnement infrarouge par l’atmosphère.
Il n’existe pas à notre connaissance d’expérience simple montrant qu’une augmentation de la concentration en CO2 entraîne une augmentation de l’effet de serre (au sens des climatologues).
2. Les phénomènes physiques de base régissant l’effet de serre
2.1 Expérience pour montrer l’existence du rayonnement infrarouge
On cherche à montrer :
- Qu’il existe un rayonnement, appelé rayonnement infrarouge, émis par tout corps à température ambiante ;
- Que plus la température d’un corps est élevée, plus la puissance du rayonnement émis par ce corps est élevée.
La vie quotidienne nous rend familière l'idée qu'un corps « très chaud » (braise d’un feu, porte d’un four...) émet un rayonnement, mais qu'il en soit de même pour un corps à température ambiante n'a rien d'évident.
À la découverte du rayonnement infrarouge : Il faut se procurer un détecteur de présence basé sur la mesure du rayonnement infrarouge, comme celui de certains carillons à l’entrée d’un commerce, que l'on trouve couramment dans les magasins de bricolage (le fabricant Extel produit par exemple de telles sonneries à détecteur de passage). Ces appareils se déclenchent lorsqu'ils mesurent une variation de l'intensité du rayonnement infrarouge reçu : c’est ce qui arrive lorsqu'une personne passe devant ce détecteur, car la température de la peau est plus élevée que celle des murs ou du plancher en arrière plan.
L'expérience proposée doit être réalisée dans une pièce peu éclairée pour éviter toute source de chaleur ou de lumière parasite. On limite le champ de détection de l’appareil en plaçant un tube en carton (celui d’un rouleau de papier toilette par exemple) devant son ouverture, et à peu près à 50 cm de celle-ci, on installe un « écran de fond » de taille A4 environ (un carton rigide par exemple). Ce dernier est « vu » par le détecteur et sert de référence de température, figure 3.
On prend deux bocaux (ou autres contenants : mugs, verres,…) identiques, l'un rempli d’eau à température ambiante (pas d’eau froide, il faut l’avoir rempli suffisamment à l’avance), l'autre rempli d'eau chaude (l’eau chaude du robinet suffit).
Dans la vidéo figure 4, on a pris, une tasse vide (à température ambiante) et une tasse remplie d'eau chaude.
Si l'on fait passer le premier bocal devant le détecteur, celui-ci reste muet. Si l'on fait de même avec le bocal d’eau chaude, le détecteur se déclenche. La seule différence étant la température des bocaux, c’est cette différence qui est à l’origine du déclenchement du carillon. Celui-ci réagira également si l'on fait passer la main, ou tout objet plus chaud que le « fond ».
Le rayonnement reçu par le détecteur ne change pas lorsqu’on fait passer le premier bocal devant le fond car la température du bocal est la même que celle du fond. Le flux radiatif émis par ces deux corps de même température est identique, le rayonnement reçu par le détecteur ne change pas lorsque le bocal passe car le rayonnement émis par le fond qui est masqué par le bocal est exactement compensé par le rayonnement émis par le bocal.
Lorsque le bocal a une température plus élevée, il émet plus de rayonnement que le fond, et ce rayonnement supplémentaire est détecté par l’appareil, alors qu’il n’est pas détecté par notre œil. C’est un rayonnement du domaine infrarouge (ses longueurs d’onde sont plus grandes que celles du rayonnement visible par l’œil).
On peut refaire cette expérience en remplaçant le détecteur de présence par un thermomètre infrarouge ou une caméra infrarouge, figure 5.
On montre l’écran d’une caméra infrarouge dont l’échelle des températures va de 10°C (violet) à 50°C (rouge). Seules les tasses remplies d'eau froide (à gauche) et d'eau chaude (à droite) sont observées sur l'écran de la caméra. Si on les passe devant le détecteur, seules ces deux tasses le déclenchent.
En résumé :
Tout corps émet un rayonnement infrarouge et plus sa température est élevée, plus la puissance du rayonnement émis est élevée.
Un corps noir est un corps qui absorbe tout le rayonnement qu’il reçoit, quelle que soit la longueur d’onde. D’après la loi de Kirchoff (émissivité = absorptivité), c’est un émetteur « parfait » de rayonnement thermique. L’émission des corps réels est le produit de l’émissivité (comprise entre 0 et 1) et de la fonction de Planck. Un corps noir a une émissivité et une absorptivité Ɛ = 1. C’est une grandeur sans dimension.
La puissance par unité de surface Pe du rayonnement émis par un corps noir de température T est donnée par la loi de Stefan-Boltzman. On a Pe = σ T4 avec σ = 5.67 10-8 W.m-2K-4 constante de Stefan-Boltzmann, Pe en W.m-2 et T en K.
2.3 Rayonnement visible et rayonnement infrarouge
Le but de ce paragraphe est de montrer qu’en plus d’avoir de l’effet sur la puissance du rayonnement émis (comme nous venons de le voir), la température a de l’effet sur son profil spectral.
Le profil spectral du rayonnement émis par un corps noir est donné par la loi de Planck et dépend de la température, figure 6.
Définitions
Profil spectral : variation de l’intensité du rayonnement (ou luminance), dans une direction donnée, en fonction de sa longueur d’onde. C’est une puissance par unité de surface, par unité d’angle solide et par unité de longueur d’onde (W.m-2.str-1.m-1) ou de fréquence ( W.m-2.str-1.Hz-1).
Loi de Planck : loi donnant l’expression du profil spectral du rayonnement émis par un corps noir en fonction de la température de ce corps. Cette loi vient de la mécanique quantique, Planck a montré que les échanges d'énergie par rayonnement s'effectuent nécessairement par quantité finies qu'il appela « quanta ».
Flux radiatif par unité de surface : puissance transportée par le rayonnement traversant une unité de surface dans un sens donné. On parlera par exemple de flux montant (dirigé vers le haut) ou descendant (dirigé vers le bas). Dans tout le texte présenté ici, les flux seront toujours exprimés par unité de surface, et on ne parlera simplement que de flux. Ils s’expriment en W.m-2.
Lorsque la température du corps est très élevée, supérieure à environ 700°C (≈ 1000 K), notre œil voit une partie du rayonnement qu’il émet. Par exemple, le rayonnement qui nous parvient du soleil est émis par sa surface extérieure dont la température est d'environ 6 000 K. À cette température, 40% de l’énergie est émise dans le domaine visible, c'est-à-dire pour des longueurs d’onde allant de 0,4 µm (violet - bleu) à 0,8 µm (rouge), 10% est émise dans le domaine ultraviolet (λ < 0,4 µm) et 50% dans le domaine de l’infrarouge proche (0,8 à 4 µm).
On peut également citer les anciennes lampes (lampes à incandescence) dont le filament a une température proche de 2 700 K : on voit clairement sur la figure 6 que seule une très faible partie du rayonnement émis est visible. Ces lampes avaient une très faible efficacité énergétique, chauffaient beaucoup plus qu’elles n’éclairaient, et ont été progressivement abandonnées au profit d’autres technologies plus efficaces (lampe à LED, fluorescente, ou aux halogénures métalliques).
La lave des volcans, dont la température est d'environ 700°C (≈ 1000 K), émet très peu de rayonnement visible, et le peu qu'elle émet se trouve proche de la couleur rouge. Il en est de même pour la braise d’un feu. De façon très simplifiée, si la température de l'objet est inférieure à 700°C, notre œil ne voit pas le rayonnement émis par l'objet, celui-ci n'émet que du rayonnement infrarouge. Les appareils qui mesurent le rayonnement infrarouge sont assez coûteux, mais des détecteurs de présence peuvent être utilisés pour en montrer l'existence.
Dans la suite de cet exposé, on considérera seulement deux domaines pour plus de simplicité : le domaine « solaire » (λ < 4 µm) et le domaine « infrarouge thermique » (4 à 100 µm) que l’on appellera simplement « infrarouge ».
2.4 Expérience pour illustrer l’absorption du rayonnement
Nous voulons montrer que le rayonnement infrarouge émis par un objet à température ambiante :
- Est plus ou moins absorbé selon les matériaux ;
- L’absorption peut être différente dans le domaine infrarouge et dans le domaine visible.
On refait l’expérience précédente de la partie 2.1. en intercalant différents écrans entre le détecteur et la tasse remplie d’eau chaude, figure 8 et 9.
Si le détecteur ne réagit pas au passage de la tasse, c'est que l'écran ne laisse pas passer le rayonnement infrarouge émis par la tasse, il lui est opaque, il l’absorbe. Au contraire si le détecteur réagit c'est que l'écran est transparent au rayonnement infrarouge émis par la tasse.
On utilisera comme écran une planchette de bois, une vitre, un sac de congélation transparent et un sac poubelle noir. Il faudra veiller à ce que les films plastiques soient assez fins pour qu’ils soient bien transparents au rayonnement infrarouge.
Les différents cas de figures sont rassemblés dans la figure 9 :
On constate que certains matériaux sont transparents au rayonnement infrarouge, d'autres opaques, que certains matériaux sont transparents au rayonnement visible, d'autres opaques (cf. tableau figure 10). Les propriétés de transparence ou d'absorption peuvent être différentes pour le rayonnement visible et pour l’infrarouge. Toutes les combinaisons sont possibles.
Matériau | Rayonnement visible | Rayonnement infrarouge |
---|---|---|
Bois | Opaque | Opaque |
Verre | Transparent | Opaque |
Polyéthylène transparent (sac de congélation) | Transparent | Transparent |
Polyéthylène noir (sac poubelle) | Opaque | Transparent |
L’utilisation d’une caméra (figure 11 et 12), ou d’un thermomètre infrarouge permet de voir que les feuilles de plastique utilisées ici ne sont pas parfaitement transparentes au rayonnement infrarouge, elles sont légèrement absorbantes. Pour simplifier, on supposera cependant que les matériaux sont soit parfaitement transparents soit parfaitement opaques. Avec la caméra, on constate également que certains matériaux comme le verre réfléchissent légèrement le rayonnement infrarouge. Mais la réflectivité est en général faible (quelques pourcents), sauf pour les métaux, et on la négligera.
Un matériau qui absorbe le rayonnement infrarouge en émet aussi (propriété connue sous le nom de loi de Kirchoff, émissivité = absorptivité).
Par exemple, la planche en bois absorbe le rayonnement infrarouge quelle que soit sa température. Elle en émet donc aussi et la puissance du rayonnement émis dépend de sa température. Si la température de la planche est la même que celle du fond, la puissance par unité de surface du rayonnement qu’elle émet est la même que celle du fond et donc la puissance du rayonnement mesurée par le détecteur ne change pas quand on passe la planche devant son ouverture. Par contre, si on chauffe la planche et que sa température est plus élevée que celle du fond, alors le détecteur réagit au passage de la planche. On obtient le même résultat avec la vitre.
Pour compléter l’expérience, il faudrait montrer que les deux écrans de plastique n’émettent pas plus de rayonnement quand on les chauffe, ce qui est difficile à faire à cause des cadre en bois qui eux émettent plus de rayonnement et sont donc détectés.
Sur la figure 13, on montre une expérience dans laquelle les quatre écrans sont chauffés par un sèche cheveux. La planche et la vitre émettent beaucoup plus de rayonnement quand ils sont chauffés. Par contre les deux plastiques émettent seulement un peu plus de rayonnement, ils ne sont pas parfaitement transparent au rayonnement infrarouge, mais ils émettent beaucoup moins que le bois ou le verre.
Dans les situations courantes, les phénomènes physiques dominants associés aux rayonnements visible et infrarouge sont très différents. Dans le visible, un matériau opaque joue un rôle d’écran. Il absorbe le rayonnement mais n’en émet pas (tant que sa température reste inférieure à 1 000 K environ).
Dans le domaine infrarouge, ce n’est pas le cas. Un matériau qui absorbe le rayonnement en émet aussi, et la différence entre les deux dépend de la différence de température entre ce matériau et celui qui a émis le rayonnement incident. La notion d’écran, qui nous est très familière pour le rayonnement visible, ne s’applique donc pas pour le rayonnement infrarouge.
Si on utilise la caméra infrarouge, on peut vérifier que la réflexion du rayonnement infrarouge est très faible pour les matériaux utilisés et on la négligera ici. Seuls les métaux peuvent être très réfléchissants. Dans la représentation graphique du rayonnement infrarouge, on veillera à ne pas représenter de phénomène de réflexion, et à représenter séparément les phénomènes d’absorption et d’émission.
En résumé :
Les matériaux peuvent être transparents ou absorbants au rayonnement, et cette propriété dépend de la longueur d’onde (ici on a simplement différencié domaines visible et infrarouge).
2.5 L’équilibre énergétique
Le but est de montrer comment un système en déséquilibre énergétique évolue jusqu’à atteindre un équilibre.
On utilise une plaque (métal, bois, plastique…) noire posée sur un isolant thermique (liège, polystyrène…). Cette isolation nous permet de négliger les échanges de chaleur sur la face arrière de la plaque et de ne considérer que les échanges sur la face avant. On considère uniquement les échanges de chaleur par rayonnement (on néglige les échanges par conduction et convection) et on utilise les deux principes physiques suivants :
- Tout corps émet du rayonnement et ainsi perd de l'énergie, et plus la température du corps est élevée, plus l'énergie perdue est élevée.
- Si un objet gagne plus d'énergie qu'il n'en perd, sa température augmente, s’il perd plus d'énergie qu'il n'en gagne, sa température diminue.
La plaque, d'abord à l'ombre, est ensuite placée au soleil. Exposée au soleil, elle reçoit plus d'énergie que lorsqu'elle était à l'ombre. Comme elle reçoit plus d'énergie, sa température augmente, elle émet donc plus de rayonnement infrarouge et perd plus d'énergie. Une nouvelle température d'équilibre est atteinte lorsque l'énergie perdue par émission du rayonnement infrarouge est égale à l'énergie gagnée par absorption du rayonnement solaire, figure 14.
De même, une fois la plaque à l’équilibre au soleil, si la quantité de rayonnement solaire reçu diminue, la température de la plaque diminue également jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit atteint, figure 15.
3. Le modèle d’effet de serre à 1 couche
Le but de cette section est de présenter un modèle très simple d’effet de serre sur la base des principes physiques exposés précédemment. Ce modèle comporte des limitations importantes, il n’est jamais utilisé pour faire des calculs mais est encore largement employé pour expliquer ce qu’est l’effet de serre. Une de ses vertus pédagogiques est de montrer que l’effet de serre est dû aux propriétés radiatives du milieu au dessus de la surface ainsi qu’à la conservation de l’énergie.
3.1 Présentation du modèle
Dans ce « modèle d’effet de serre à 1 couche » :
- On néglige les phénomènes de conduction et de convection et on ne considère que les échanges radiatifs
- On suppose que l’atmosphère est isotherme et qu’elle peut être représentée par une vitre isotherme
Dans l’exemple présenté, on supposera en plus que la vitre est parfaitement transparente au rayonnement solaire et parfaitement opaque au rayonnement infrarouge.
On reprend la plaque noire placée au soleil. On suppose que sa température initiale est nulle (0 K) et qu’elle n’émet donc aucun rayonnement, figure 16.
Comme la plaque absorbe le rayonnement solaire incident, sa température s’élève jusqu’à atteindre l’équilibre thermique, figure 17.
On part de la plaque à l’équilibre, figure 18.
On place maintenant au-dessus de la plaque une vitre qui est transparente au rayonnement solaire et opaque au rayonnement infrarouge. On suppose que sa température initiale est zéro kelvin (0 K), qu’elle n’émet donc aucun rayonnement, et comme elle est parfaitement transparente au rayonnement solaire, son introduction ne modifie pas les échanges radiatifs, figure 19.
Mais la vitre absorbe le rayonnement infrarouge émis par la plaque, et se réchauffe donc. Comme elle se réchauffe, elle émet maintenant du rayonnement infrarouge, et sa température augmente jusqu'à ce qu'elle perde autant d'énergie qu'elle n’en reçoit, figure 20.
Le rayonnement émis par la vitre est émis moitié vers le haut, moitié vers le bas. Le rayonnement émis vers le haut est perdu et celui émis vers le bas est absorbé par la plaque. La plaque reçoit maintenant plus d'énergie qu'elle n'en perd, donc sa température va augmenter jusqu'à ce qu'elle perde autant d'énergie qu'elle n’en reçoit, figure 21.
Ce supplément de rayonnement infrarouge émis par la plaque est absorbé par la vitre, dont la température va augmenter à nouveau jusqu'à ce qu’elle perde autant d'énergie qu'elle n’en reçoit, le rayonnement étant émis moitié vers le haut, moitié vers le bas, etc. (figure 22).
Et ceci jusqu’à ce que l’équilibre soit atteint. La suite des termes 1/2 +1/4 +1/8 + … est un suite géométrique de raison 1/2, et si on en fait la somme on trouve la valeur 1 (figure 23).
En faisant un bilan d’énergie pour la vitre et pour la surface, on vérifie que chacune d’elle est à l’équilibre, que chacune reçoit autant d’énergie qu’elle n’en perd.
Donc à l’équilibre la température de la plaque est plus élevée avec la vitre que sans (figure 24). Cet accroissement de température est le résultat de ce qu'on appelle l'effet de serre.
L’explication pas à pas que nous venons de présenter peut être remplacée ou complétée par une explication plus abstraite mais plus directe :
- L’ensemble (vitre + plaque) absorbe une quantité d’énergie donnée, choisie ici arbitrairement comme valant 1. Donc à l’équilibre elle doit perdre 1 (cette même quantité d’énergie).
- Comme la vitre est parfaitement opaque au rayonnement infrarouge, ce n’est pas le rayonnement émis par la surface qui peut s’échapper vers l’espace, seul le rayonnement émis par la vitre peut s’échapper.
- Pour que l’ensemble (vitre + plaque) soit à l’équilibre il faut donc que la vitre émette 1 vers l’espace. Si elle émet 1 vers l’espace, elle émet aussi 1 vers la surface.
- La surface reçoit donc une quantité d’énergie valant 2 (1 provenant du soleil, 1 de la vitre), et pour perdre 2 par émission de rayonnement il faut que sa température soit plus élevée que pour émettre 1 (comme c’était le cas lorsqu’il n’y avait pas de vitre).
Cette explication a comme avantage de bien montrer que le point fondamental est le rayonnement émis par la vitre vers l’espace. Tout le reste, et notamment la température de la plaque s’ajuste en fonction de cette exigence. C’est pour cette raison que sur la Terre (et sur les autres planètes) on considère avant tout les flux radiatifs au sommet de l’atmosphère.
Le modèle à 1 couche peut être transposé à la Terre et aux autres planètes en supposant que leur surface est noire, que l’atmosphère est isotherme, totalement transparente au rayonnement solaire et totalement opaque au rayonnement infrarouge.
En résumé :
Ce modèle d’effet de serre à une couche est très simplifié mais permet de comprendre deux points essentiels :
- Le milieu (l’atmosphère ou ici la vitre) qui recouvre la plaque doit être transparent au rayonnement solaire et opaque au rayonnement infrarouge ;
- C’est l’équilibre énergétique de l’ensemble du système (vitre + plaque) qui conduit à un réchauffement de la surface. C’est parce que la vitre se réchauffe (par rapport à sa température initiale nulle) que la plaque se réchauffe.
L’effet de serre ne dépend pas uniquement du fait que la vitre absorbe le rayonnement infrarouge, il dépend aussi de la température de cette vitre. Par rapport à des représentations graphiques qui peuvent induire en erreur, on insiste sur le fait que l'effet de serre ne correspond pas à la réflexion vers le bas du rayonnement infrarouge émis par la plaque, c’est le processus d’émission du rayonnement par la vitre qui est essentiel.
4. Autres ressources et références :
- « L'effet de serre » dans On n'est pas que des cobayes ! France 5 (27 novembre 2015) . https://www.dailymotion.com/video/x3erl2m
- Effet de serre et climat, J-L Dufresne, in « Graines de Sciences 8 », Edition Le Pommier, 2007 ou in « 29 notions clés pour savourer et faire savourer la science », P. Léna, Y. Quéré, B. Salviat, ed. Le Pommier, 2009.
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Pour citer cet article :
Principes de base de l'effet de serre, Jean-Louis Dufresne, mai 2020. CultureSciences Physique - ISSN 2554-876X, https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/Effet-serre-Dufresne.xml