Activer le mode zen
Ressource au format PDF

Archimède dans l'air

19/05/2025

Giorgio Häusermann

Professeur retraité de physique et de didactique de la physique - Membre de l'Association pour l'enseignement de la physique (Italie)

Delphine Chareyron

ENS de Lyon

Delphine Chareyron

ENS de Lyon

Résumé

Dans cet article, nous proposons de mettre en évidence la poussée d’Archimède dans l'air, à l'aide de la réaction chimique entre le vinaigre et le bicarbonate de sodium, pour retrouver la valeur de la masse volumique de l’air.


Introduction

La poussée d'Archimède est l'un des thèmes les plus abordés en science à l'école, de la maternelle jusqu'au lycée. La question de savoir pourquoi un paquebot flotte et un galet coule est typiquement utilisée pour introduire le sujet et engager la discussion puis proposer des expériences qui conduisent à étudier la force reçue par un corps immergé dans un fluide.

En approfondissant le sujet, l'étude est étendue au cas où le fluide est de l'air, des ballons remplis d'hélium sont donnés en exemple et dans les classes supérieures le problème typique de la montgolfière est abordé [1].

L'expérience, que nous proposons ici, vise à traiter le cas de la poussée d'Archimède à laquelle est soumis un ballon dans l'air et la possibilité, grâce à cette expérience, de remonter à la valeur de la masse volumique de l'air.

1. Présentation de l'expérience

Nous partons de l'expérience bien connue de la réaction entre le vinaigre et le bicarbonate de sodium. Les deux éléments seront placés à l'intérieur d'une bouteille fermée par un ballon de baudruche. La production de CO2 va provoquer le gonflage du ballon. En réalisant l'expérience, on observe que le poids exercé sur la balance diminue, à mesure que le ballon se gonfle, sous l'effet de la poussée d'Archimède.

Lors de cette réaction chimique, comme c'est bien connu depuis Lavoisier, la masse de l'ensemble ne change pas, mais son volume augmente.

En effet, la poussée d'Archimède sur le ballon correspond au poids d'un volume égal de fluide déplacé, en l'occurence ici, l'air. Ce résultat peut être démontré en considérant la somme des forces de pression appliquées sur l'objet.

En mesurant le ballon, on peut déterminer son volume. La masse indiquée par la balance, après la tare, correspond à la masse d'air occupée par le ballon, figure 1.

Nous pouvons ainsi donner une estimation approximative, expérimentalement, de la masse volumique de l'air et la comparer aux valeurs tabulées.

Le matériel nécessaire pour cette expérience est listé ici : une bouteille (en verre ou en PET), du bicarbonate de sodium, une balance, du vinaigre, une ficelle et un un mètre ruban pour mesurer la circonférence du ballon, si l'on dispose de ballons sphériques et quelques ballons.

2. Déroulé de l'expérience

Les quantités proposées ici sont données à titre indicatif. D'autres proportions ne changent pas le résultat de l'expérience.

  • Mettre un peu de vinaigre dans la bouteille (environ 100 g) ;
  • Mettre une cuillerée de bicarbonate de sodium (environ 10 g) à l'intérieur du le ballon de baudruche à l'aide d'un entonnoir ;
  • Poser-le tout sur la balance et calibrer ;
  • Soulever le ballon de sorte que le bicarbonate tombe dans le vinaigre ;
  • Observer et noter la diminution de poids due à la poussée d'Archimède.

3. Estimation du volume du ballon et de la masse volumique de l'air

Dans notre expérience, la différence de masse lue sur la balance est de :

\( \Delta m =\) 3,6 ± 0,1 g

Nous proposons maintenant plusieurs méthodes pour déterminer le volume du ballon pour remonter ensuite à la masse volumique de l'air.

3.1 En utilisant la formule d'un volume sphérique

Notre ballon de baudruche n'a pas la forme d'une sphère (on peut en trouver sur le marché qui ont cette propriété) mais on peut envisager une première approximation en utilisant le calcul du volume d'une sphère en choisissant, pour le rayon, la moyenne des demi-longueurs des "diamètres" du ballon.

À l'aide de l'image du ballon prise devant une feuille de papier millimétré et du logiciel de traitement d'images ImageJ [2], figure 4, on peut mesurer ces deux "diamètres". Pour cela, on se sert de la feuille de papier millimétré pour définir l'échelle correspondante entre pixel et cm. Puis avec l'outil ligne droite et le menu Analyze puis Measurement, on a accès à la longueur sélectionnée en pixel.

On trouve :

\( D_{largeur} \approx\) 887 px ± 5 px et \( D_{longueur} \approx\) 1096 px ± 5 px

Avec la conversion pixel/cm, grâce à la feuille de papier millimétré, on trouve : 1 pixel ≈ 0,0197 cm

\( D_{moy} =\frac{D_{longueur}+D_{largeur}}{2}\) d'où \( r_{moy} \approx\) 9,76 ± 0,098 cm

Le volume estimé d'air est \(V_{air} = \frac{4}{3} \pi r_{moy}^3= \) 3 901 ± 118 cm3

On obtient, pour la masse volumique de l'air :

\( \rho_{air_1} = \frac{\Delta m}{V_{air}} =\) 0,922 ± 0,052 kg.m-3

3.2 En estimant le volume du ballon à l'aide de la photo de sa coupe

Dans cette partie nous allons remonter à l'estimation du volume du ballon en l'assimillant à un empilement de "tranches" de ballon, semblables à des cylindres. À l'aide de l'image du ballon et du logiciel de traitement d'images ImageJ [2], on va mettre en évidence les pixels qui correspondent à l'image du ballon. Pour cela, dans le menu Image, on sélectionne AdjustTreshold Color, figure 5.

On effectue une petite rotation de l'image pour avoir le ballon "droit", à l'aide du menu Image, on sélectionne TransformRotate, figure 6.

On sélectionne la partie de l'image qui contient le ballon, à l'aide de l'outil Selection, figure 7 puis Crop, figure 8.

Puis, à l'aide de l'outil Wand (Baguette magique) on clique sur le ballon et son contour vient se dessiner en jaune, figure 9.

À partir du contour du ballon, nous allons créer un masque à l'aide du menu EditSelectionCreate Mask. Une image en noir et blanc se crée, correspondant à l'image du ballon, figure 10.

Maintenant, on exporte cette image vers un tableur, à l'aide du menu FileSave asText image.

L'image est binarisée : tout ce qui est noir correspond à "0" et tout ce qui est blanc à la valeur "255". L'image du masque mesure 926 x 1120 pixels. Ainsi, lorsqu'on l'ouvre dans un tableur, une matrice de 926 colonnes par 1120 lignes s'affiche.

Il suffit maintenant de repérer la couleur blanche correspondant au ballon, donc les valeurs "255". Le ballon est vu comme un solide de révolution, ainsi, on va calculer son volume "tranche" par "tranche", où une "tranche" d'épaisseur un pixel peut être vue comme un cylindre de section circulaire, de hauteur 1 pixel, et de diamètre le nombre de pixels à la valeur "255". Pour trouver ce nombre de pixels, on se sert de la fonction NB.SI(plage;critere) qui vient compter le nombre de fois que le critère est atteint : "255" sur la plage correspondant à une ligne.

En guise d'illustration, la figure 11 présente un extrait du tableau de valeurs codant le ballon. Sur la dernière colonne (AIR) on réalise le calcul du nombre de pixels correspondant au ballon. Pour la ligne 1, cela s'écrit : =NB.SI(A1:AIP1;"255"). On ne trouve, pour cette ligne, aucune occurence, c'est en effet ce que l'on retrouve figure 12, sur les pixels correspondants de l'image.

En se servant de l'image du papier millimétré, on peut remonter à la correspondance pixel/cm : 1 pixel ≈ 0,0197 cm

Ensuite, pour chaque ligne, on calcule le volume correspondant à cette "tranche" de ballon, en utilisant la formule du volume d'un cylindre.

Le volume total du ballon, mesuré de cette façon, est alors la somme de toutes les "tranches" du ballon d'où la somme des volumes calculés pour chaque ligne du tableur. On trouve : volume = 3 374 ± 59 cm3

On obtient alors, pour la masse volumique de l'air :

\( \rho_{air_{2}} = \frac{\Delta m}{volume}\) = 1,066 ± 0,047 kg.m-3

3.3 En estimant le volume du ballon à l'aide d'un contenant

On va venir immerger le ballon dans un contenant rempli préalablement par de l'eau. On récupère le volume d'eau déplacé dans un autre récipient (qui englobe le premier), il correspond approximativement au volume du ballon, figure 13.

On mesure le volume d'eau recueilli dans la bassine blanche.

On trouve : \( volume_{eau} \approx\) 2 657 ± 100 mL ou 2 657 ± 100 cm3

On obtient alors, pour la masse volumique de l'air :

\( \rho_{air_3} = \frac{\Delta m}{volume_{eau}} =\) 1,317 ± 0,85 kg.m-3

3.4 Discussion sur les différentes valeurs obtenues pour la masse volumique de l'air

Le tableau 1 récapitule les valeurs des volumes mesurés et des masses volumiques obtenues.

Tableau 1. Volumes mesurés et masses volumiques obtenues

Assimilation du ballon à une sphère

Intégration numérique du volume

Mesure du volume d'eau déplacé

Estimation du volume

3,901 ± 0,18 dm3

3,374 ± 0,06 dm3

2,657 ± 0,1 dm3

Estimation de la masse volumique de l'air

0,922 ± 0,052 kg.m-3

1,066 ± 0,047 kg.m-3

1,354 ± 0,085 kg.m-3


La valeur tabulée pour de l'air à 19°C est \( \rho_{air_{tab}} =\)1,203 ± 0,003 kg.m-3 (pour un pourcentage d'humidité entre 20% et 80%) [3].

On observe que la première méthode sous-estime la valeur de la masse volumique de l'air car la mesure du volume du ballon est sur-estimée. En effet, la moyenne des deux "diamètres" du ballon représente une sphère plus grande que le volume réel du ballon, figure 14. Néanmoins elle présente l'avantage d'arriver à l'ordre de grandeur de la masse volumique de l'air, très rapidement, sans trop de calculs.

La deuxième méthode semble donner une valeur plus proche de la valeur tabulée en la sous-estimant encore. On peut citer, comme limitation, le fait que la feuille de papier millimétré se trouve derrière le ballon, on a alors un biais sur la mesure des dimensions du ballon.

La troisième méthode a contrario sous-estime le volume d'air dans le ballon. La manipulation est difficilement précise et de l'eau a giclé en dehors du récipient blanc. De plus le ballon est aussi un peu déformé dans le récipient rempli d'eau, la pression exercée par l'eau n'est pas la même que celle exercée dans l'air. Cette expérience a aussi été réalisée plus tard (environ 30 minutes), et nous avons pu observer que le ballon utilisé est assez poreux.

Finalement, cette expérience assez simple et originale met en évidence l'effet de la poussée d'Archimède et permet de tester toute une palette d'outils pour remonter à la valeur de la masse volumique de l'air.

Références

[1] Biais de confirmation en physique : deux variantes à surveiller, Laurence Viennot, BUP n°1039, vol. 115, décembre 2021.

[2] ImageJ, est un logiciel libre, codé en Java, multiplateforme, qui permet le traitement et l'analyse d'images : https://imagej.net/

[3] Valeurs tabulées de la masse volumique de l'air en fonction de la température et du pourcentage d'humidité : https://www.thermexcel.com

Pour citer cet article :

Archimède dans l'air, Giorgio Häusermann, Delphine Chareyron, mai 2025. CultureSciences Physique - ISSN 2554-876X, https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/Archimede-dans-l-air.xml

Ressource au format PDF