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Mots-clés

acoustique rayons sonores ondes réflexion réfraction audition

Rayons sonores et ondes de lumière ?

18/04/2005

Gabrielle Bonnet

Gabrielle Bonnet

Résumé

À partir d'une question de vocabulaire : "parle-t-on de "rayon" ou d'"onde" pour le son ?", on rappelle quelques notions d'acoustique, en particulier la réflexion et la réfraction.


Introduction

Pourquoi parle-t-on couramment d'ondes sonores, d'ondes lumineuses et de rayons de lumière, mais pas de "rayons sonores" ?

Est-ce parce que la notion de rayon n'a pas de sens avec le son ? Est-ce parce que la lumière peut être vue comme constituée de photons se déplaçant suivant la direction donnée par les rayons et le son de... finalement, ne constate-t-on pas l'absence de particule associée à l'onde sonore comme le photon l'est à la lumière ? Cette introduction est-elle tout simplement fausse et utilisez-vous les rayons sonores tous les jours ?

Je pense que l'on peut d'ores et déjà répondre à la dernière question : voici un bateau équipé d'un sonar et cherchant à cartographier les fonds sous-marins :


Comment détermine-t-on la distance du bateau au fond de l'eau ?

Cet exercice très simple de seconde est généralement résolu en traçant le trajet du son aller et retour, des sortes de "rayons sonores", et personne ne trouve rien à y redire. On utilise donc bien des "rayons sonores", au moins dans certaines occasions.

Ces "rayons sonores", cependant, sont-ils semblables dans leur nature aux rayons lumineux ? Et, si oui, pourquoi n'utilise-t-on que rarement le mot de "rayons" pour le son ?

Qu'est-ce qu'un rayon ?

Il convient peut-être tout d'abord de définir ce qu'est un rayon.

En fait, on peut définir un rayon partout où on peut définir une onde. La notion de rayon, si elle correspond bien, dans le cas de la lumière, au trajet de particules (les photons), n'a pas besoin de l'existence de telles particules pour être définie.

Un "rayon" correspond à la direction de propagation de l'énergie. Lorsque le milieu est homogène, cette propagation se fait en ligne droite et le rayon est rectiligne. Le "rayon sonore" correspond donc à la direction de propagation de l'énergie sonore tout comme un "rayon lumineux" correspond à la direction de propagation de l'énergie lumineuse, définie par le vecteur de Poynting. Il n'est pas associé à un mouvement de "particule" (comme dans le cas de la lumière et des photons) mais à un mouvement d'énergie.

Il n'y a pas nécessairement contradiction entre une représentation en terme de "rayon" et une représentation en terme d'"onde". En fait, au contraire, la représentation d'une onde en terme de rayon lumineux ou sonore est intimement associée à sa représentation en terme d'onde.

Lorsqu'on représente les surfaces d'onde (qui sont aussi les surfaces équiphase) d'une onde sonore ou lumineuse, on se place dans un point de vue "onde" plutôt que "rayon", mais les deux points de vue sont équivalents puisque, pour une onde de pulsation ω donnée, le rayon lumineux ou sonore (défini par la direction de déplacement de l'énergie), est perpendiculaire à la surface d'onde.

Représentation de surfaces d'onde

Surfaces d'onde (en noir) et rayons (en rouge) dans le cas particulier d'une onde sphérique émise par une source ponctuelle lumineuse ou sonore


Réflexion et réfraction des ondes sonores

Principe

Les ondes sonores, tout comme les ondes lumineuses, peuvent subir des phénomènes de réflexion et de réfraction. On pourrait donc dessiner des rayons sonores, les rayons réfléchis et les rayons transmis étant déduits du rayon incident tout comme on le fait en optique.

Le rayon sonore réfléchi sur une interface plane entre deux milieux 1 (milieu du rayon incident) et 2 homogènes est le symétrique du rayon incident par rapport à la normale à l'interface.

Le coefficient de réflexion (en l'absence d'absorption) à l'interface entre ces deux milieux est :

R = [(1-r)/(1+r)]2 où r est le rapport r = (ρ2 c2) / (ρ1 c1)

ρ1 et ρ2 sont les densités moyennes à l'équilibre respectivement des milieux 1 et 2 (on parle de densité à l'équilibre puisqu'une onde sonore est précisément associée à des fluctuations de pression et de densité). c1 et c2 sont les célérités respectives des ondes sonores dans les milieux 1 et 2.

On peut comparer ce coefficient avec celui que l'on a pour des ondes lumineuses :

Rl = [(1-rl)/(1+rl)]2 et rl = n2/n1 où n1 et n2 sont les indices des milieux 1 et 2

De même, on montre que le coefficient de transmission à l'interface entre ces deux milieux est :

T = 4 r/(1+r)2, tout comme avec les ondes lumineuses il est Tl = 4 rl/(1+rl)2

La réfraction du son obéit aux mêmes lois que celle de la lumière. Si i1 et i2 sont les angles des rayons sonores avec la normale respectivement dans les milieux 1 et 2, et c1 et c2 les célérités du son dans ces deux milieux, on a :

sin i2/c2 = sin i1/c1

Applications

Réflexions : écho, métro de Paris, etc.

L'écho est l'exemple type d'un phénomène de réflexion sonore. Cependant, dans notre vie de tous les jours, l'écho (par exemple lorsqu'on passe sous un pont) est rarement autre chose qu'un phénomène qui amplifie et prolonge les sons que l'on émet. On ne constate pas le plus souvent la présence d'"images sonores" analogues aux "images visuelles". C'est parce que les parois du pont jouent le rôle, non pas d'un miroir plan pour le son, mais d'un miroir déformant... Ce que l'on entend, c'est un mélange d'échos multiples...

Certains lieux ont toutefois été construits intentionnellement pour favoriser des effets acoustiques particuliers, et, entre autres, d'"images sonores". L'exemple peut-être le plus proche de nous est celui du métro de Paris.


De section elliptique, recouverte de céramique blanche réfléchissante, la voûte du métro de¨Paris permet à une personne située sur un quai (l'un des foyers de l'ellipse) de communiquer sans difficulté avec une personne placée en face d'elle sur l'autre quai (le deuxième foyer de l'ellipse).

En effet, la perpendiculaire à la tangente en un point donné de l'ellipse est toujours (c'est une propriété mathématique des ellipses) la bissectrice de l'angle FMF'. Tous les rayons sonores arrivant sur la voûte du métro et partant de F arrivent donc en F' et réciproquement.

Gabrielle Bonnet

Figure 4. 


Des constructions de ce type (prévues pour obtenir un effet d'"image sonore") existent depuis longtemps.

Ainsi, à la Chaise-Dieu, en Auvergne, un confessionnal pour lépreux (que l'on peut toujours visiter de nos jours) était conçu de façon à ce que le malade, chuchotant dans un angle de la pièce, puisse entendre parfaitement le prêtre situé dans l'angle opposé, sans que personne d'autre dans la salle ne puisse les entendre...

La Chaise-Dieu

Figure 5. La Chaise-Dieu


Réfraction : interface eau-air

ceau ≃ 1,5 × 103 m.s-1

cair (à pression et températures usuelles) ≃3,4 × 102 m.s-1

ρeau≃ 1,0 × 103 kg.m-3

ρair ≃ 1,3 kg.m-3

donc Tair-eau≃ 1,2 × 10-3 : la valeur très faible de ce coefficient explique l'impossibilité pratique d'entendre dans l'air un bruit qui a lieu sous l'eau, même si celui-ci est parfaitement audible dans l'eau.

Les "mirages sonores"

La célérité du son dans l'air, en première approximation, peut s'écrire comme dépendant de la température comme : c = 331 + 0,6 × température, où la température est en degrés Celsius. Donc la célérité du son augmente avec la température de l'air, tout comme le fait la célérité de la lumière (lorsque la température est plus élevée, l'air est moins dense et la vitesse de la lumière est plus grande). Cette variation de la vitesse du son avec la température est à l'origine de "mirages sonores"...

Ainsi, il peut être possible d'écouter une conversation plus éloignée que d'ordinaire au-dessus de la surface d'un lac plus froid que l'air extérieur (le matin lorsque le lac est encore froid et l'air extérieur réchauffé par les premiers rayons du soleil, ou lorsque le lac est gelé, etc.)

Communication d'un bout à l'autre d'un lac lorsque l'air est de température homogène

Gabrielle Bonnet

Seuls les rayons sonores en noir arrivent à la personne placée à l'autre bout du lac


Communication d'un bout à l'autre d'un lac gelé

Gabrielle Bonnet

Les rayons sonores qui dans le cas précédent se dirigeaient vers le haut sont infléchis vers le bas


Dans le cas du lac gelé, le son est en quelque sorte "guidé", sa dispersion dans toutes les directions étant empêchée d'un côté par la surface presque totalement réfléchissante du lac, et limitée de l'autre par les couches d'air supérieur plus chaudes.

Vous pouvez faire l'expérience de ce genre de "mirage sonore" très simplement, en comparant la communication entre les deux rives d'un lac pas très grand, dans la journée (communication difficile) et tôt le matin (communication facilitée).

Pourquoi si peu de "rayons sonores" alors ?

Une raison historique

Pendant longtemps, des points de vue différents sur la lumière ont coexisté. Rayons ou ondes ? "Particules" de lumière ? Substrat, hypothétique "éther" (dont les expériences de Michelson et Morley ont montré que son existence n'est pas compatible avec l'expérience) dans lequel se propagerait la lumière ? On a tiré ces problèmes au clair depuis, mais les points de vue "rayons de lumière" et "ondes lumineuses" utilisés aujourd'hui sont néanmoins l'héritage de ces tâtonnements pour trouver une représentation satisfaisante de la lumière.

Le son, pour sa part, n'a pas engendré autant de controverses. En fait, sa nature ondulatoire fut envisagée dès les Grecs, et si sa nature ne fut véritablement démontrée que plus tard, cette représentation ondulatoire du son s'est imposée presque comme "la seule" qui ait eu suffisamment de succès historique.

Notre représentation actuelle du son, qui fait si peu appel, contrairement à la lumière, à la notion de "rayon", est en partie tout simplement l'héritage de cette histoire.

Raisons "naturelles" de la raison historique ?

Le son est-il donc identique à la lumière, et les différences de représentation se résument-elles à cet héritage historique ?

On a voulu souligner, dans le paragraphe précédent, une certaine pertinence de la représentation en terme de rayons qui n'est pas reflétée, partiellement pour des raisons historiques, dans nos représentations.

Toutefois, d'autres arguments -physiques ou biologiques, cette fois- justifient peut-être la différence de traitement du son et de la lumière. On utilise beaucoup la représentation en terme de rayons lumineux de l'optique géométrique traditionnelle pour déterminer la position de l'image d'un objet. Or s'il existe en théorie des "images sonores" analogues aux "images lumineuses" (un exemple simple de "reflet sonore" étant l'écho, dont on a déjà parlé), notre monde nous fournit toutefois plus d'images lumineuses que d'images sonores.

Ainsi, lorsqu'on regarde un objet dans un miroir, ce dernier est généralement le seul élément de la pièce à l'origine de réflexion spéculaire. En ce qui concerne les "reflets sonores" dans une maison, par contre, dans une pièce quelconque, en général, tous les murs sont susceptibles de réfléchir plus ou moins le son et les meubles aussi, dans une certaine mesure. En fin de compte la pièce est plus l'analogue d'un ensemble de nombreux miroirs sonores différents que d'un miroir unique. On a donc en général une multitude d'échos plutôt qu'une "image sonore" unique. Il n'est donc pas si simple de disposer d'un "miroir sonore", et faire une expérience probante de réflexion et de réfraction des rayons sonores requiert un peu de travail...

Le son et la lumière ont donc des natures analogues (des ondes pour lesquelles une représentation en terme de rayons n'est pas dénuée de pertinence), mais les objets qui nous entourent se comportent différemment vis-à-vis de ces deux types d'ondes. Seuls quelques objets de la vie courante (les miroirs) sont le siège d'une réflexion spéculaire pour la lumière, alors que la plupart des objets qui nous environnent reflètent partiellement les ondes sonores...

Les longueurs d'onde respectives du son et des ondes lumineuses contribuent aussi aux différences entre ces deux types d'ondes : les effets de diffraction sont beaucoup plus importants pour des longueurs d'onde relativement petites comme celle du son que pour la lumière.

Enfin, nos perceptions du son et de la lumière sont différentes : les organes de l'ouïe et de la vision et le traitement des informations par le cerveau sont différents. En particulier, l'oeil comporte une "lentille", le cristallin, qui lui permet de former une image sur la rétine, alors que l'oreille n'en comporte pas. De plus, lorsque les informations provenant de notre vue et celle de notre ouïe sont en conflit, celles en provenance de notre vue tendent à dominer, comme dans le cas du ventriloque qui arrive à illusionner les spectateurs sur l'origine du son, rendant encore plus difficile de percevoir, les yeux ouverts, des "images sonores" si celles-ci doivent contredire les "images visuelles" que l'on a sous les yeux... Pour en savoir plus sur le sujet, voir cet article sur l'« Audition humaine ».

Expériences

En dépit de toutes ces difficultés potentielles, il est possible de faire des expériences probantes de réflexion et de réfraction des ondes sonores. Voici quelques expériences de nos collègues Belges montrant la réflexion et la réfraction du son : pour les voir, cliquez ici.

Pour citer cet article :

Rayons sonores et ondes de lumière ?, Gabrielle Bonnet, avril 2005. CultureSciences Physique - ISSN 2554-876X, https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/RaySon.xml

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