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Découverte d'une dixième planète, Sedna,... et remise en question de la définition d'une planète

18/03/2004

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire des Sciences de la Terre

Delphine Chareyron

ENS de Lyon / DGESCO

Emmanuelle Cecchi

Florence Kalfoun

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

De récentes études ont permis de caractériser un objet découvert en novembre 2003, annoncé comme étant la dixième planète du système solaire. Découvertes effectivement réalisées en 2003 et historique de la découverte des objets en orbite autour du Soleil.


La presse est riche d'annonces astronomiques en ce premier trimestre 2004. Après Mars, les journaux, la radio, la télévision, la presse écrite … nous annoncent la découverte d'une 10ième planète, annonce parfois suivie d'une discussion sur planet or not planet?.

Qu'a-t-on vraiment découvert ?

C'est en novembre 2003 qu'a été découvert au Mont Palomar (USA) un nouvel objet "mobile" par rapport aux fond du ciel.


Des études avec des télescopes optiques et infra-rouges ont été conduites depuis, qui ont amené à la caractérisation de l'objet et de son orbite. Il s'agit d'un objet de diamètre probable compris entre 1300 et 1700 km, de couleur "rougeâtre" actuellement situé à environ 90 U.A. du soleil (une U.A. = distance Terre-soleil = 150 000 000 km).


Sa température est voisine de -240°C. Il est bien trop petit pour qu'on distingue sa forme (vraisemblablement circulaire) ou quelque détail de sa surface. Sa masse et sa densité ne sont pas mesurées pour l'instant. Il est en orbite autour du soleil, avec une orbite très elliptique, environ 50 UA au plus près du soleil (périhélie), environ 900 U.A au plus loin (aphélie). L'orbite est voisine du plan de l'écliptique (inclinaison de 12° ). Sa période de révolution est d'environ 10 500 ans. Son nom provisoire est Sedna.

Pour apprécier et comprendre cette découverte, un peu d'histoire de la connaissance du système solaire est nécessaire.

Histoire de la connaissance du système solaire

De 1600 à 1930

Depuis toujours, l'Homme connaît 5 "astres errants" visibles à l'œil nu qui se déplacent sur le fond des étoiles, c'est à dire qui ne sont jamais situés dans les mêmes constellations : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Le mot planète vient d'ailleurs du mot grec signifiant "vagabond". On connaissait bien sûr aussi des comètes que l'on interprétait à l'époque comme des phénomènes atmosphériques. Copernic, Galilée et Kepler ont compris que ce "vagabondage" n'était que la vision, depuis la Terre, de leur rotation sur des orbites presque circulaires autour du soleil et ont donc compris que la Terre était aussi une planète, la sixième. La définition de planète est donc devenue la suivante : "corps gravitant autour du soleil sur des orbites elliptiques (mais à ellipticité faible), n'émettant pas de lumière propre et réfléchissant celle du soleil".

Au début du 18ème siècle, Halley démontre que les comètes à courte période (comme la célèbre comète qui désormais porte son nom) sont de petits astres en orbite solaire, mais avec une orbite extrêmement elliptique. En 1781, Herschel découvre Uranus, qui fut donc la 7ème planète. En 1801, Piazzi découvre Céres (de diamètre d'environ 1 025 km) entre Mars et Jupiter, découverte suivie par celle d'innombrables objets plus petits sur des orbites voisines, orbites à ellipticité faible. Comme ce n'était que des points sans dimensions apparentes avec les télescopes de l'époque, ces astres, tournant autour du soleil mais plus petits que les planètes, furent appelés "petites planètes", ou astéroïdes. En 1846, ce fut la découverte de Neptune et en 1930 celle de Pluton, tous deux corps de bonne taille (diamètre de 50 000 km pour Neptune, de 2 240 km pour Pluton). On avait donc en 1930 le système solaire tel qu'on l'apprend aujourd'hui dans les écoles.

De 1950 à 1992

En 1950, l'astronome hollandais J.H. Oort étudie les orbites d'une petite centaine de comètes à très longue période. Il en déduisit qu'elles semblaient provenir d'un "réservoir" plus ou moins sphérique, d'un cocon entourant le système solaire, cocon situé à environ 50 000 U.A. du Soleil (rappelons que l'étoile la plus proche est à 250 000 U.A. du Soleil). Ce "cocon" a été baptisé depuis "nuage de Oort". La trajectoire individuelle de chaque corps du nuage de Oort autour du soleil est une ellipse à très forte ellipticité, avec un périhélie entre 15 et 30 U.A et une aphélie à 50 000 UA . Mais à cause des lois de Kepler, un tel corps (à longue période) passe plus de 99% de son temps de révolution à plusieurs milliers d'U.A du soleil. Aucun corps de ce nuage n'a jamais encore été observé sur de telles orbites. Les comètes à longue période que l'on voit s'approchent beaucoup plus du soleil (c'est la chaleur du soleil qui est à l'origine de la naissance de leur queue). Leurs orbites "normales" ont été modifiées par le passage d'une étoile pas trop loin du nuage de Oort. Les comètes à courte période (comme la comète de Halley) ont vu leurs orbites modifiées une fois de plus lors d'un passage très près d'une des planètes géantes.

L'origine de ce nuage fut expliqué dans ces années 1950. Si "on" met en orbite autour du soleil un petit corps (petit par rapport aux planètes géantes) au delà de l'orbite de Jupiter (entre Jupiter et Neptune), les interactions gravitationnelles entre ce petits corps et les quatre planètes géantes l'expédient à des milliers d'U.A. du soleil, très souvent hors de l'écliptique. D'innombrables planétésimaux, et sans doutes de nombreux corps plus gros ont suivi ce chemin aux premiers temps du système solaire. Ces milliards de petits corps constituent donc le nuage de Oort.

Le nuage de Oort et les objets qu'ils contiennent ont donc été déduits de l'étude de l'orbite des comètes, expliqués à posteriori, mais aucun objet n'a encore jamais été observé (sauf pour les objets déviés de leur orbite classique -les comètes- et peut être le cas de Sedna, voir plus loin). Il contiendrait des milliers de milliards de petits corps glacés.

Quelques années plus tard, un autre astronome hollandais, G. Kuiper, proposa (après force calculs) que l'expulsion des petits corps au delà de Neptune puisse se faire aussi avec une autre géométrie que celle proposée par Oort, à savoir expulsion au delà de Neptune, majoritairement entre 30 et 50 U.A, en restant dans (ou au voisinage) du plan de l'écliptique, avec des orbites à ellipticité relativement faible. Kuiper est mort en 1973, sans que l'on ait jamais observé un de ces corps trans-neptuniens théoriques.

Depuis 1992

C'est en 1992 qu'on a découvert le premier objet trans-neptunien (autre que Pluton), à peu près dans le plan de l'écliptique et dans la fourchette des distances prédites par Kuiper. Depuis cette date, plus de 800 objets de diamètre compris entre 100 et 1300 km y ont été découverts. Kuiper avait donc eu raison. Et c'est en son honneur que ces objets sont maintenant rassemblés dans ce qu'on appelle aujourd'hui la "ceinture de Kuiper". Le plus gros objet de Kuiper connu à ce jour (avant Sedna et 2004 DW,voir plus loin), Quaoar, a un diamètre d'environ 1280 km. Le 17 février 2004, un dernier objet de Kuiper a encore été découvert : 2004DW. Ces caractéristiques sont encore mal déterminées, mais il serait encore plus gros que Quaoar.

Les figures 3 et 4 sont des schémas récapitulant les orbites des planètes et astéroïdes, des objets de Kuiper, de Oort et de Sedna.

Ceinture de Kuiper et nuage d'Oort


Et Sedna ?

Sedna, comme les objets de Kuiper, se trouve à peu près dans le plan de l'écliptique. Par contre, il a une orbite très elliptique, orbite dont les dimensions et l'ellipticité sont intermédiaires entres celles des objets de Kuiper et les objets de Oort. Il s'agit donc d'un objet de classe intermédiaire, moitié Oort, moitié Kuiper. Soit c'est un objet de l'une des deux classes, ayant subit une "modification" d'orbite, soit il s'agit d'une nouvelle classe d'objets intrinsèquement intermédiaire, soit ces deux catégories que l'on croyait distinctes ne forment qu'une seule et même catégorie. Des études théoriques vont certainement être entreprises pour savoir comme "fabriquer" une telle orbite.

Alors, planet or not planet ?

Il s'agit en fait d'un problème assez byzantin, un peu comme de savoir si le Mont-Saint-Michel est en Bretagne ou en Normandie. Tout dépend de la définition du mot "planète". Jusqu'en 1801, c'était clair : objet en orbite à peu près circulaire autour du Soleil. En 1801 (découverte des astéroïdes), c'est devenu "gros" objets en orbite à peu près circulaire. La notion de gros est évidemment relative. Comme on a pris l'habitude de considérer qu'un diamètre de 1025 km (Céres) était trop petit pour une planète et qu'un diamètre de 2240 km (Pluton) était suffisant, la limite (arbitraire) se situerait entre 1025 et 2240 km. On peut considérer d'autres critères géométriques, comme l'ellipticité de l'orbite, comme…. On peut enfin considérer des critères génétiques, séparant les objets qui sont encore sur leur lieu de naissance, de ceux qui l'ont quitté.

Avec tout cela, les planètes seraient les "gros" objets à orbite pas trop elliptique et se trouvant là où ils sont actuellement. Et là se pose le problème de Pluton, car il est possible (mais pas prouvé) que Pluton ait d'abord été en orbite intra-neptunienne, et qu'il ait ensuite été expulsé là où il est aujourd'hui, en orbite trans-neptunienne. D'où l'immense et très intéressant débat : Pluton est-il la plus petite des planète ou le plus gros objets de Kuiper. Il y a quelques siècles, il y a déjà eu de tels débats, en particulier sur le sexe des anges.

D'où vient le nom Sedna ?

En Europe, les planètes avaient les noms latins des divinités gréco-romaine. Uranus, Céres, Neptune ayant été découverts par des Européens, la tradition s'est conservée. Elle a aussi continué avec Pluton, découvert par un Américain (de culture européenne). Pour les objets découverts depuis, deux cas se présentent:

  • Les "petits" objets n'ont pas de nom, mais seulement un numéro.
  • Les " gros " objets ont des noms proposés par leur découvreur (cas du nom provisoire de Sedna), et ensuite validé (ou invalidé) par l'Union Astronomique Internationale. Pour les objets en orbite circum-solaire, l'UAI continue la tradition d'aller chercher des noms dans les mythologies, mais maintenant dans toutes les mythologies et pas seulement la mythologie gréco-romaine. Ainsi Quaoar a pour origine un mythe des îles Tongua, Sedna est une divinité inuite….

Voir aussi...

Compléments sur:

Pour citer cet article :

Découverte d'une dixième planète, "Sedna", ... et remise en question de la définition d'une planète, Pierre Thomas, mars 2004. CultureSciences Physique - ISSN 2554-876X, https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/sedna.xml

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