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La spectrographie à la découverte de planètes extra-solaires

16/04/2009

Marie-Christine Artru

Centre de recherche d'astrophysique de Lyon, ENS Lyon

Catherine Simand

Résumé

Un article du dossier « La spectroscopie en astronomie ». Description du principe de la détection de planètes extra-solaires par mesures de vitesses radiales. Présentation des mesures de Michel Mayor et Didier Queloz concluant à la première détection en 1995. Bilan provisoire des exoplanètes détectées.


Introduction

Le soleil n'est qu'un élément banal parmi les 1011 étoiles de notre galaxie. Il est donc très probable que certaines étoiles observées soient entourées de planètes, formées selon les mêmes mécanismes physiques qui furent à l'origine de la Terre et des autres planètes du système solaire.

En 1995, des astronomes suisses, Michel Mayor et Didier Queloz, détectèrent l'existence d'une planète autour de l'étoile 51 Pegasi, à partir d'observations effectuées à l'observatoire de Haute-Provence (voir le site : http://www.obs-hp.fr/www/nouvelles/51-peg.html).

Depuis lors différents programmes d'observation livrent une véritable chasse aux planètes extra-solaires (ou exoplanètes). On en recense actuellement plus de 300.

Note - De nombreux sites proposent des explications détaillées sur les différentes méthodes de détection et des informations sur les programmes actuels d'observation des planètes extra-solaires. Citons en particulier l'article « Les planètes extrasolaires » sur CultureSciences-Physique et le site de l'Observatoire de Paris-Meudon dont le dossier sur « Les exoplanètes » répond en particulier à la question : « Comment détecte-t-on les exoplanètes ? »

Dans cet article, nous nous intéressons à la première méthode de détection des planètes extra-solaires, celle qui est fondée sur l'observation de spectres d'étoiles et les mesures de « vitesses radiales ». Nous en rappellerons le principe et soulignerons les performances de la spectrographie qui permettent de détecter des planètes extra-solaires de plus en plus nombreuses.

Principe de la détection par mesures de vitesses radiales

On enregistre des spectres de raies par des observations successives d'étoiles candidates, sur des cycles de plusieurs nuits à plusieurs époques. Une analyse élaborée de ces spectres permet de mettre en évidence les faibles variations de la position des raies du spectre de certaines de ces étoiles. Des très faibles oscillations périodiques de la longueur d'onde observée des raies, interprétées par l'effet Doppler, sont l'indice de la rotation de l'étoile autour du centre de masse d'un système étoile-planète.

Le principe est illustré par l'animation ci-dessous (figure 1). Le décalage Doppler, schématisé sur quelques raies spectrales, est dû à la variation périodique de la vitesse V, dite « vitesse radiale », égale à la projection sur la ligne de visée de la vitesse de déplacement de l'étoile, lors de la rotation du système étoile-planète.

Depuis très longtemps, le même principe est utilisé pour répertorier les nombreuses étoiles doubles du ciel (environ 50% des étoiles appartiennent à un système multiple). Dans le cas d'un système étoile-planète le rapport des masses est très petit et l'amplitude des variations de la vitesse V est beaucoup plus faible (de l'ordre du m/s) que pour un système de deux étoiles (de l'ordre du km/s).

Principe de la détection d'exoplanètes par mesures de vitesses radiales

Le déplacement des raies sombres dans le spectre de l'étoile est la signature du mouvement de la planète et de l'étoile autour de leur centre de gravité.

Crédit : Emmanuel Pécontal, Observatoire de Lyon


La première détection de 1995 par la mesure des vitesses radiales

La figure 2 est tirée de l'article pionnier de Mayor et Queloz qui annonce la détection d'une planète autour de l'étoile 51 Pegasi. Il est intitulé « A jupiter-mass companion to a solar-type star ».

Mesures de la vitesse radiale de 51 Peg à quatre périodes différentes

Légende originale : Orbital motion of 51 Peg at four different epochs corrected from the γ velocity. The solid line represents the orbital motion fitted on each time span with only the γ velocity as a free parameter and with the other fixed parameters taken from Table 1.

Source : A jupiter-mass companion to a solar-type star, Michel Mayor et Didier Queloz, Nature, 378, 355, 1995


Chaque point (avec barre d'erreur) correspond à une mesure de la vitesse V déduite d'un enregistrement du spectre de l'étoile 51 Pegasi à une date précise. Les enregistrements effectués durant une année ont permis de déterminer la période de déplacement de l'étoile 4.2293 ± 0.0011 jours, interprété comme l'effet de sa rotation autour du centre de masse étoile-planète. Le graphe représente les mesures obtenues pour quatre cycles différents où l'on distingue la variation périodique de V avec une amplitude de 59 m/s.

Chaque mesure est extraite de l'analyse d'un spectre observé, après correction d'autres effets dominants de décalage des raies, résultant notamment des déplacements lents de l'étoile par rapport au soleil et des mouvements de l'observateur terrestre selon la rotation de la Terre...

Pour espérer voir l'effet d'une grosse planète, il faut suivre les variations de V avec une précision meilleure que 10 m/s, ce qui exige de mesurer des décalages de longueur d'onde Δλ aussi petits que 10-5 nm (Δλ/λ = V/c) pour les raies du spectre visible.

Ce sont des décalages généralement très inférieurs à la largeur d'un profil de raie d'absorption observée dans les spectres d'étoile, même s'ils sont obtenus à haute résolution. L'élargissement dominant provient souvent de la rotation propre de l'étoile sur elle-même, ce qui est le cas pour 51 Peg pour laquelle v sini = 2 km/s (lire à ce sujet « Les étoiles tournent sur elles-mêmes : que sait-on de leur vitesse ? »).

Le procédé qui permet d'atteindre de telles précisions sur les vitesses radiales consiste à enregistrer un large domaine spectral et d'utiliser simultanément environ 5000 raies d'absorption pour mettre en évidence le très faible déplacement de chacune des raies. Ceci fut rendu possible par les progrès de la spectrographie, des détecteurs et de l'analyse numérique des signaux.

La courbe continue est une sinusoïde ajustée sur les variations des valeurs mesurées de V en fonction de la phase du cycle périodique. Elle conduit à caractériser le système étoile-planète en rotation autour de son centre de masse.

Il subsiste une indétermination du fait que l'on ne connaît pas l'angle i que fait la direction d'observation avec le plan orbital du mouvement de l'étoile autour du centre de masse (cf. note 2).

Les mesures de la figure 2 ont permis aux auteurs de donner la relation m sini = (0,47 ± 0,02) MJ, où m est la masse de la planète orbitant autour de l'étoile 51 Peg et MJ celle de la planète Jupiter (masse 318 fois plus grande que celle de la Terre et 1000 fois plus petite que celle du Soleil).

Cette première planète détectée pourrait donc être plus massive que Jupiter.

Bilan provisoire des exoplanètes détectées

Le sujet des planètes extra-solaires donne lieu actuellement à de très nombreuses recherches et publications astronomiques. Elles détaillent les programmes de détection et leurs performances futures, les propriétés des planètes observées, les progrès des théories de formation et évolution, la quête des indices de vie (exobiologie)...

La figure suivante, datant de 2005, résume le bilan de dix années de détection d'exoplanètes par mesures de vitesses radiales (cf. note 3).


Chaque planète détectée est représentée par un point, selon la borne inférieure de sa masse (m sini / MJ) et sa distance à l'étoile (l'unité astronomique UA étant la distance soleil-Terre). Les échelles sont logarithmiques.

Les points T, J et S correspondent aux caractéristiques des planètes Terre, Jupiter et Saturne gravitant autour du soleil.

Les droites en pointillé rouge précisent la résolution nécessaire sur l'amplitude de variation de V pour détecter des exoplanètes moins massives ou plus éloignées de leur étoile supposée de même masse que le soleil. La résolution doit donc être encore améliorée pour espérer détecter une autre « Terre » (point T).

Les points bleus correspondent à quelques exoplanètes, massives et proches de l'étoile, pour lesquelles l'indétermination sur sin i est levée (sin i = 1, cf. note 2). C'est alors la masse réelle qui est reportée sur le graphe et non une borne inférieure.

2. La détermination complète de l'orbite est possible si on arrive à détecter directement la planète par la méthode du « transit ». Elle consiste à observer la très faible diminution de l'éclat de l'étoile lors d'un passage de la planète entre l'étoile et l'observateur. Ce phénomène d'éclipse est d'autant plus probable que la planète est massive et proche de l'étoile. Connaissant alors l'inclinaison de l'orbite sur la direction d'observation on détermine indépendamment les valeurs de sin i et de la masse m.

3. On pourrait actualiser ce graphe en doublant le nombre de points représentatifs. Les nouvelles détections arrivent actuellement en 2009 au rythme d'une ou deux par mois.

Pour aller plus loin :

  • À voir sur CultureSciences-Physique, « De la Terre aux autres Terres », une conférence de Didier Queloz donnée le 24 janvier 2002 au planétarium de Vaulx-en-Velin ;
  • À lire, une série d'articles de revue intitulée « Formation planétaire et exoplanètes », Comptes-rendus de l'École CNRS de Goutelas XXVIII, Astronomie 2005, éditeurs J.-L. Halbwachs, D. Egret, et J.-M. Hameury, téléchargeables sur http://astro.u-strasbg.fr/goutelas/g2005/ ;
  • Consulter les résultats, statistiques et actualité sur les détections et propriétés des exoplanètes sur L'encyclopédie des planètes extrasolaires. Voir en particulier le « catalogue interactif ».

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Pour citer cet article :

La spectrographie à la découverte de planètes extra-solaires, Marie-Christine Artru, avril 2009. CultureSciences Physique - ISSN 2554-876X, https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/Spectre-detection-exoplanetes.xml

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