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Les étoiles tournent sur elles-mêmes : que sait-on de leur vitesse ?
12/12/2008
Résumé
Un article du dossier « La spectroscopie en astronomie ». Les étoiles tournent sur elles-mêmes avec des vitesses angulaires variées. Un effet directement observable est l'élargissement global Δλ des raies spectrales par effet Doppler, qui permet de déterminer des vitesses de rotation même très faibles. Un exemple avec l'étoile 44 Tau.
Les étoiles tournent sur elles-mêmes avec des vitesses angulaires variées, les périodes T allant de quelques jours à quelques mois. Un effet directement observable est l'élargissement global Δλ des raies spectrales.
En effet de la lumière émise à la longueur d'onde λ par une région de l'hémisphère visible de l'étoile est reçue par l'observateur avec un décalage Doppler δλ lié à la vitesse locale du milieu émetteur. La vitesse de rotation à la surface de l'étoile est nulle aux pôles et maximum à l'équateur, égale à v = RΩ = 2πR/T, où est R le rayon de l'étoile et Ω la vitesse angulaire.
L'effet Doppler produit des décalages δλ = λ (vz/c) où vz est la vitesse locale projetée sur l'axe de visée de l'observateur terrestre. Il dépend donc du sinus de l'angle i que fait l'axe de rotation de l'étoile avec la ligne de visée de l'observateur.
Par exemple, si l'axe de rotation de l'étoile coïncide avec l'axe d'observation (sin i = 0), le pôle est au centre du disque apparent de l'étoile. Alors les projections des vitesses sur l'axe de visée sont toutes nulles, il n'y a pas de décalage Doppler et donc pas d'élargissement des raies. Inversement si l'observation se fait perpendiculairement à l'axe de rotation de l'étoile (sin i = 1), la vitesse projetée sur l'axe de visée prend l'ensemble des valeurs comprises entre v et -v. Les décalages δλ atteignent les valeurs extrêmes + ou -λ (v/c). L'élargissement des raies est maximal. Le cas général est un intermédiaire, comme schématisé ci-dessous.
Comme le spectre de l'étoile est enregistré avec la lumière provenant de tout un hémisphère stellaire, les décalages δλ d'une raie fine émise à la longueur d'onde λ se combinent pour donner à la raie observée un profil composite de largeur Δλ = λ (v sin i/c). Sur les spectres observés, on distingue très nettement cet effet d'élargissement Δλ dû à la rotation qui permet donc de déterminer v sin i, la « vitesse équatoriale de rotation projetée ». On ne connaît généralement pas le facteur géométrique sin i.
La simulation de la figure 2 compare les profils calculés à haute résolution (R = 20 000) de quelques raies du spectre d'une même étoile (température effective 10 000 K) selon que v sini est égal à 10 km.s-1 , 75 km.s-1 et 250 km.s-1.
On constate un fort élargissement des raies avec l'augmentation de v sini. Remarque : pour v sini = 75 km.s-1, la demi-largeur des raies est de l'ordre de 1,5 Å, conforme à la prévision (Δλ/λ = (v sin i/c) ≃ 75/300 000 = 2,5 x 10-4 donc Δλ ≃ 6000 x 2,5 x 10-4 = 1,5 Å).
Pour les étoiles qui tournent vite, la largeur « rotationnelle » des raies observées est un obstacle qui empêche de séparer les raies proches. Il devient impossible alors de déduire des raies observées des propriétés intrinsèques de l'étoile, tels que les champs magnétiques ou les vents dans son atmosphère.
Les calculs des spectres synthétiques permettent d'introduire numériquement le profil « rotationnel » correspondant aux différentes valeurs du facteur v sin i. Les modèles tiennent compte de la répartition des vitesses à la surface du disque observé combinés aux effets « centre-bord », c'est-à-dire aux différences entre le rayonnement émis normalement ou obliquement par rapport à la surface stellaire.
La figure suivante montre l'extrême précision qu'on peut atteindre actuellement pour déterminer une vitesse de rotation aussi faible que 2 km.s-1. L'étude porte sur l'étoile 44 Tau. Plus de 69 h d'observations, réalisées en novembre et décembre 2004 à partir de deux télescopes européens ont permis de recueillir 443 spectres à haute résolution (R = 63 000 entre 4700 et 7200 Å et R = 80 000 entre 5000 et 7000 Å). La comparaison entre le spectre observé (points reliés par des segments) et trois spectres calculés correspondants à 0 km.s-1 (pointillés), 2 km.s-1 (trait plein) et 4 km.s-1 (tirets) est montrée ici pour une des raies du fer. Réalisées sur un ensemble de 14 raies du fer, ces comparaisons permettent de déterminer une valeur de v sin i = 2 km.s-1 ± 1 km.s-1.
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Pour citer cet article :
Les étoiles tournent sur elles-mêmes : que sait-on de leur vitesse ?, Marie-Christine Artru, décembre 2008. CultureSciences Physique - ISSN 2554-876X, https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/Spectre-vitesse-rotation-etoile.xml