Activer le mode zen
Ressource au format PDF

Pourquoi a-t-il fallu ajouter une seconde à l'année ?

09/01/2006

Gabrielle Bonnet

Gabrielle Bonnet

Résumé

On ajoute parfois une seconde à l'année. Savez-vous pourquoi et quand ?


On ajoute parfois une seconde à l'année. Savez-vous pourquoi et quand ?

À minuit le 30 juin 2015 temps universel, nous avons intercalé une seconde supplémentaire : la minute a alors fait 61 secondes plutôt que 60. Dans une période où on a beaucoup parlé de cette seconde, on s'est demandé d'où elle vient, quand aura lieu la suivante, si on peut la prédire, etc...

La réponse :

Historique

Au début du dix-neuvième siècle

La seconde est définie comme 1/86.400 jour solaire moyen. Autrement dit, il y a exactement, par définition, 24 heures de 3600 secondes chacunes dans le jour solaire moyen. Le temps défini de cette manière est le "temps universel", en abrégé T.U. Cette définition montre vite ses faiblesses : le jour solaire moyen n'est pas vraiment une constante...

La définition de la seconde va donc changer en 1956

La seconde sera définie comme 1/31.556.925,9747ième de la durée de l'année tropique (durée séparant deux équinoxes de printemps successives) 1900. Le temps correspondant est le "Temps des Ephémérides" (T.E.).

Définition actuelle de la seconde...

L'apparition de phénomènes périodiques très stables : les horloges atomiques, va entrainer l'adoption, en 1967, d'une autre définition de la seconde : par définition, la fréquence de transition entre les 2 niveaux hyperfins de l'état fondamental de l'atome de Cesium 133 est, F = 9.192.631.770 Hz. Cette nouvelle définition de la seconde définit un nouveau temps le "Temps Atomique International" (T.A.I.).

Le "Temps Universel Coordonné" (U.T.C. pour l'abbréviation anglaise) dérive de la définition du Temps Atomique International : il utilise la seconde du T.A.I. mais ajoute ou retranche le cas échéant une seconde, la fameuse "seconde intercalaire", de façon à ce qu'en valeur absolue, l'écart entre le Temps Universel et le Temps Universel Coordonné soit toujours inférieur à 0,9 s.

Comment passe-t-on d'une définition à une autre ?

On est historiquement passé par plusieurs étapes intermédiaires, mais supposons pour simplifier que l'on veuille passer directement du "temps universel" au temps atomique international. La seconde est donc d'abord définie comme 1/86.400ième du jour solaire moyen. On mesure alors, en utilisant cette définition, la fréquence de transition entre les 2 niveaux hyperfins de l'état fondamental de l'atome de Cesium 133. On trouve : f = 9.192.631.770,... Hz. Il y a des points de suspension après la virgule car il n'y a aucune raison pour que la valeur de f "tombe juste". Les points de suspension correspondent à une valeur inférieure à ± 0,5 Hz. On pose alors la nouvelle définition de la seconde : avec la nouvelle définition, la fréquence de transition vaudra exactement F = 9.192.631.770 Hz.

Même si le jour solaire moyen et la fréquence de transition étaient tous deux rigoureusement stables, le changement de définition entrainerait donc un décalage inéluctable entre le temps universel et le temps atomique international. Ce décalage serait au maximum de ± 0,5 / 9.192.631.770 s par seconde, soit ± 5,4 × 10-11 s/s soit un écart maximal de ± 1,7 × 10-3 s/an. Pour que l'écart entre les deux temps (temps universel et temps atomique international) causé par cette incertitude-là devienne supérieur à 1 s, il faudrait alors attendre au moins 583 ans... Le décalage entre le Temps Universel et le TAI que l'on a compensé à plusieurs reprises depuis 1972 via des secondes intercalaires a une toute autre origine : la variabilité du jour solaire moyen.

Variabilité du jour solaire moyen

Jour solaire vrai

Le jour solaire vrai correspond à l'intervalle de temps séparant deux passages du soleil au zénith.

Il dépend de :

  • la période de rotation de la Terre sur elle-même, dans le référentiel géocentrique. Cette durée est appelée "jour sidéral" et vaut environ 23 heures 56 minutes et 4 secondes soit 86164 secondes.
  • le mouvement de rotation de la Terre autour du Soleil : au bout d'un tour dans le référentiel géocentrique, la Terre a avancé sur son orbite autour du Soleil, et du coup, le Soleil n'est pas alors exactement au zénith

Gabrielle Bonnet

Jour sidéral et jour solaire

Figure 1. 


Le jour solaire vrai correspond à l'intervalle de temps séparant les positions J et J + 1 du dessin ci-dessus (volontairement pas à l'échelle). On voit que, le temps que le Soleil soit à nouveau à la verticale du même point de la Terre, la Terre a tourné d'un tour complet sur elle-même (soit 360°) plus un angle, α, identique à l'angle dont la Terre a tourné autour du Soleil pendant un jour solaire js, soit α = 360 js/1 an. Puisque la Terre tourne sur elle-même (dans le référentiel géocentrique) en 86164 secondes, alors elle tourne à la vitesse angulaire de 360/86164 = 4,2 × 10-3 °.s-1. Comme elle tourne de 360 + α° pendant le temps js, alors js 360 / 86164 = 360 + 360 js/1 an, ce qui nous donne js = 86400 s soit 24 h... en fait, ce calcul n'est qu'une approximation, le jour solaire vrai varie en effet au cours de l'année.

Variabilité du jour solaire vrai

La Terre ne tourne pas autour du Soleil suivant une orbite parfaitement circulaire mais elliptique. La vitesse d'un corps céleste sur une orbite elliptique est variable, plus grande lorsque ce-dernier est à son aphélie (point le plus proche du Soleil) et plus petite lorsque ce-dernier est au périhélie (point le plus éloigné du Soleil). Cette vitesse angulaire intervient dans le calcul de l'angle α et donc dans le calcul de la valeur du jour solaire vrai.

De fait, le jour solaire vrai varie entre 23 h 59 minutes 39 s et 24 h 0 minutes 36 secondes au fil de l'année. C'est pour cela que, si on veut que la durée appelée un jour corresponde à la même valeur tout au long de l'année, on fait la moyenne sur un tour complet de l'orbite terrestre. La durée ainsi obtenue est celle que l'on appelle "jour solaire moyen" et elle correspond aux 24 heures soit 86400 secondes de la définition du Temps Universel.

Variations du jour solaire moyen

En fait, même le jour solaire moyen ainsi défini n'est pas constant.

La Terre ralentit à cause des marées...

Du fait des effets de marée, la rotation de la Terre se ralentit chaque année, augmentant légèrement la durée du jour solaire moyen, d'environ 1,64 × 10-5 s/an soit une variation du jour solaire moyen de 5,2 × 10-13 jour par jour.

Au bout de t jours, le décalage entre le jour solaire moyen (qui définit le Temps Universel) et le jour défini par 86400 secondes TAI est 5,2 × 10-13 t.

Le décalage cumulé entre TU et TAI est une primitive de cette expression, soit : 5,2 × 10-13 t2/2

Au bout de 5000 ans, le décalage entre l'heure TAI et l'heure TU serait de 20 heures environ. En fait, c'est ce décalage qui a permis de se rendre compte du ralentissement de la rotation de la Terre : on peut calculer précisément la date des éclipses dans l'Antiquité, et, par comparaison avec les dates conservées dans les archives, on se rend compte d'un décalage temporel important entre l'heure calculée (en supposant le jour solaire moyen constant) et l'heure enregistrée dans les archives.

Aujourd'hui, on souhaite que ce décalage cumulé ne dépasse pas 0,9 s. On doit donc faire des "corrections" régulières : les "secondes intercalaires".

Le mouvement de la Terre subit quelques perturbations additionnelles...

Courants à l'intérieur du noyau terrestre, vents, etc. de nombreux phénomènes perturbent légèrement la Terre. Ces phénomènes, sur le court terme, peuvent influencer la rotation de notre planète : la date précise des futures secondes intercalaires n'est donc pas déterminée longtemps à l'avance...

Supprimer les secondes intercalaires ?

La discussion existe... Arguments techniques, désir de conserver une cohérence forte entre le "temps officiel" et le temps des astres... dans tous les cas, les secondes intercalaires ne devraient pas encore disparaître dans les toutes prochaines années...

Pour citer cet article :

Pourquoi a-t-il fallu ajouter une seconde à l'année ?, Gabrielle Bonnet, janvier 2006. CultureSciences Physique - ISSN 2554-876X, https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/QSannee.xml

Ressource au format PDF