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Mots-clés

filtrage strioscopique rétroprojecteur aberrations chromatiques spectre optique géométrique lumière blanche

Quelques expériences d'optique avec un rétroprojecteur

02/10/2003

Roland Jouanisson

Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand

Gabrielle Bonnet

Article aussi paru dans « Auvergne Sciences », la revue scientifique de l'ADASTA, Association pour le Développement et l'Animation Scientifique et Technique en Auvergne.

Résumé

Le rétroprojecteur est d'un usage courant dans notre enseignement, toutes disciplines confondues. Cet article montre comment réaliser facilement un filtrage strioscopique, mettre en évidence des aberrations chromatiques ou réaliser un spectre de lumière blanche en utilisant un rétroprojecteur.


Le rétroprojecteur est d'un usage courant dans notre enseignement, toutes disciplines confondues. Il permet de projeter des documents dans des conditions exceptionnelles de simplicité et d'efficacité, grâce à sa grande luminosité, à son champ très étendu et à sa grande maniabilité.

Dans diverses publications (voir en particulier le Bulletin de l'Union des Physiciens n°723, d'avril 1990), j'ai attiré l'attention de nos collègues physiciens sur l'intérêt que présente cet instrument pour la projection d'expériences de physique, moyennant quelques adaptations très simples. Dans le présent article, je signale quelques expériences qui permettent d'améliorer la visibilité de certains phénomènes optiques.

Filtrage strioscopique

Une expérience bien connue de "strioscopie" permet de rendre visible un phénomène provoquant de faibles déviations dans un milieu transparent. Le principe est le suivant (figure 1).


A l'aide d'une source S et d'un objectif L1 on réalise un faisceau de lumière parallèle. À l'aide d'un objectif L2 on projette l'image d'un objet M sur l'écran. Si l'objet M est un milieu homogène transparent qui ne dévie pas la lumière (lame à faces parallèles, cuve à eau,...), l'image M' de l'objet est peu visible sur l'écran uniformément éclairé. Si en S' on place un écran optique (filtre) qui intercepte la lumière, l'écran devient uniformément sombre.

Supposons maintenant que l'objet M comporte des inhomogénéités (par exemple, une rayure qui diffracte la lumière, une goutte d'eau qui provoque la réfraction,...), la lumière déviée passe par en dehors de l'écran opaque et le détail apparaît en clair sur fond sombre : on a ainsi amélioré considérablement le contraste de l'image : des détails invisibles en éclairage normal deviennent parfaitement visibles. cette expérience de strioscopie (qui permet de mettre en évidence des "stries") est bien adaptée pour observer des défauts (rayures diffractances, inhomogénéités d'indice de réfraction,...), des écoulements de fluides, etc...

On utilise dans ce cas comme source une fente éclairée et le filtre est un rectangle qui recouvre son image (figure 2).

Au lieu d'un écran opaque on peu utiliser un diaphragme percé d'une ouverture rectangulaire (complémentaire du précédent) qui laisse passer seulement la lumière non déviée (figure 3). Les défauts apparaissent alors en sombre sur fond clair.

Les deux types d'observation précédents (en "noir et blanc" peuvent être complétés par une observation en couleur : le filtre est alors constitué par une série de bandes colorées : la bande qui recouvre l'image de la source donne la couleur du fond et les différentes bandes voisines sélectionnent les couleurs en fonction de la déviation par rapport au faisceau initial (figure 4). L'expérience est connue sous le nom de "strioscopie à bandes colorées". Elle est surtout utilisée dans le domaine de la recherche aérodynamique pour l'étude des écoulements de fluides. On réalise des bandes colorées sur une plaque de verre à l'aide de feutres à encre indélébile. La bande centrale, qui donne la couleur du fond, doit avoir une largeur telle qu'en l'absence d'inhomogénéités le champ est uniformément coloré, par exemple en bleu. Les bandes voisines seront moins larges (jaune, rouge, pourpre,...). Des bandes réalisées à l'aide de gélatine colorée de résisteraient pas à l'échauffement de la plaque.


Application au rétroprojecteur

Les expériences précédentes deviennent utilisables très simplement avec un rétroprojecteur. En effet, on trouve rassemblés dans le même appareil tous les éléments de la figure 1 à ceci près que le faisceau issu du condenseur n'est pas parallèle et que la source (filament de lampe quartz-iode) est relativement étendue. il ne faut donc pas s'attendre à un filtrage parfait : on peut cependant améliorer considérablement l'observation de divers phénomènes.

il faut choisir un rétroprojecteur à filament simple (ce qui est le cas pour les lampes peu puissantes). L'idéal serait d'avoir un filament rectiligne.

Pour la commodité des expériences on réalisera une adaptation qui permet d'éloigner le miroir de renvoi situé après l'objectif de projection, afin de pouvoir intervenir dans le plan de l'image S' de la source (figure 5). C'est dans ce plan qu'on installera une petite platine P sur laquelle on déplacera les différents filtres dont les dimensions seront adaptées à la grandeur de l'image du filament. Si le rétroprojecteur est muni d'un miroir sphérique réfléchissant près de la source on veillera à régler la position de celle-ci de manière à n'observer qu'une seule image en S'.

Les filtres sont disposés sur la platine P. Le choix du filtre est fait en fonction de la nature du phénomène à observer. Par exemple, des franges d'interférence à la surface de l'eau, peu visibles avec l'éclairage normal, deviennent très contrastées quand on utilise les filtres des figures 2 et 3 parallèles à la direction moyenne des franges.


La strioscopie à bandes colorées est utilisée pour analyser une structure inhomogène (fond de verre ou cristallisoir, déformation d'une surface, dissolution d'un sel dans l'eau, etc...).

Aberrations chromatiques du condenseur

Le système condenseur du rétroprojecteur est constitué de deux lentilles de Fresnel accolées, les stries circulaires placées en vis-à-vis (figure 6).


Ce dispositif présente une forte aberration chromatique transversale sur les bords du champ, là où les angles des prismes sont de l'ordre de 30°, l'ensemble étant équivalent à un prisme de 60°. En revanche, au voisinage de l'axe, cette aberration est très faible (figures 6 et 7).

Pour mettre en évidence cette aberration on réalise un diaphragme annulaire de grand diamètre (par exemple 20cm) et de faible largeur (1cm) découpé dans une plaque opaque (figure 8). Avec ce dispositif, bien centré sur la platine, on obtient un faisceau conique donnant un spectre annulaire sur un écran. Ce spectre est bordé de bleu à l'intérieur et de rouge à l'extérieur dans le plan (1) (figure 7); la disposition est inversée dans le plan (2).


Entre les deux dispositions on trouve une zone où le spectre est bordé de pourpre (bleu + rouge).

On peut projeter ce spectre sur l'écran en faisant l'image de la partie (1) : on éloigne au maximum l'objectif de projection de manière à faire l'image d'une région de plus en plus proche de l'image S' de la source. On observe alors sur l'écran un grand spectre annulaire (figure 9). Pour projeter la partie (2) du faisceau il est nécessaire d'utiliser une lentille placée au-delà de l'objectif par exemple accolée à celui-ci (il suffit de la poser avec précaution sur l'objectif et de bien la centrer). On peut également remplacer l'objectif par un autre plus convergent.

Un spectre sans prisme ni réseau

Les expériences précédentes montrent que l'on peut réaliser un spectre de lumière blanche sans le secours d'un prisme ou d'un réseau ! En réalité on utilise les petits prismes de la lentille de Fresnel, les plus éloignés du centre, ceux pour qui l'angle au sommet est le plus grand et donnent la dispersion maximale.

On notera qu'une lentille sphérique ordinaire à grand champ permet d'obtenir le même résultat. Si l'on veut un spectre qui ait la même apparence que celui obtenu à l'aide d'un prisme, on découpe une fenêtre rectangulaire qu'on place contre le bord du champ, parallèlement à la direction du filament. Le spectre est d'autant plus pur que cette fente est étroite (prendre par exemple 50 × 5 mm). Quand on déplace cette fente parallèlement à elle-même sur la platine du rétroprojecteur, la dispersion diminue pour s'annuler au centre en même temps que la déviation.

Pour certaines expériences on peut être amené à supprimer l'objectif de projection. À défaut, on utilise un miroir de renvoi placé avant l'objectif.

Pour citer cet article :

Quelques expériences d'optique avec un rétroprojecteur, Roland Jouanisson, octobre 2003. CultureSciences Physique - ISSN 2554-876X, https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/ExpRetro.xml

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