Corriger les aberrations chromatiques

Contrôler la propagation des différentes longueurs d'onde composant la lumière est un enjeu majeur pour corriger les aberrations chromatiques. Dans ce but, cette étude montre la possibilité de concevoir des composants optiques hybrides associant un verre et une métasurface, cette dernière étant une surface nanostructurée de façon à compenser les effets chromatiques du verre.

Un rayon lumineux est dévié lorsqu'il rencontre une interface entre deux milieux, par exemple entre l'air et le verre d'un objectif d'appareil photographique : c'est le phénomène de réfraction. Ce rayon est souvent une lumière dite blanche, c'est-à-dire composée de l'ensemble des couleurs (longueurs d'onde) du spectre visible, et celles-ci peuvent être déviées différemment : c'est le phénomène de dispersion chromatique. Ces deux phénomènes se manifestent par exemple à la traversée d'un prisme en verre comme c'est illustré avec la célèbre couverture de l'album des Pink Floyd « Dark side of the Moon ».

Le phénomène de réfraction est exploité pour faire des images à l'aide de lentilles car il permet de faire converger les rayons lumineux, mais à l'opposé, le phénomène de dispersion limite la qualité de ces images car toutes les couleurs ne convergent pas au même endroit, créant des franges colorées floues sur leurs bords. Par ailleurs, sont développés des nouveaux matériaux appelés des métasurfaces qui sont des composants optiques ultraminces dont on peut façonner la structuration pour contrôler la déviation des rayons lumineux et obtenir des propriétés optiques bien définies. Ces composants assemblent des millions de nanostructures par cm2 et ont des épaisseurs qui sont typiquement de l’ordre de 500 nm. Les chercheurs du Centre de recherche sur l'hétéroépitaxie et ses applications (CRHEA, CNRS) à Sophia Antipolis, en collaboration avec des chercheurs de l'Université de Harvard, viennent de concevoir une nouvelle voie pour limiter les aberrations chromatiques en compensant la dispersion du verre grâce aux propriétés optiques d'une métasurface et en fabriquant ainsi un composant hybride verre-métasurface (cf. figure ci-dessous).

Ce sont les lois de Snell-Descartes qui déterminent les angles de réfraction des rayons lumineux. Elles font intervenir l'indice du matériau et la dispersion est due à la variation de cet indice en fonction de la longueur d'onde. Dans le cas des métasurfaces, des discontinuités apparaissent sur la surface à des échelles sub-longueur d'onde qui vont introduire des déphasages à prendre en compte pour la déviation des rayons lumineux : on applique alors les lois de Snell-Descartes dites généralisées.

Dans cette étude, la dispersion d'un prisme en verre a été caractérisée dans un domaine où l'indice varie de façon linéaire avec la longueur d'onde. Pour compenser cette dispersion, une métasurface dite à gradient de phase et possédant un déphasage qui varie linéairement dans l’espace a été conçue en résolvant les lois de Snell-Descartes généralisées. Les chercheurs ont défini la géométrie des nanostructures qui réalisent des déviations opposées à celles du prisme à l’aide de simulations numériques reproduisant la traversée des champs lumineux au travers de cette métasurface. Un composant hybride a été fabriqué en "collant" la métasurface sur la face de sortie du prisme. Un régime de dispersion achromatique a bien été mesuré pour des longueurs d'onde entre 600 et 800 nm, plage pour laquelle la dispersion du prisme est linéaire. Cette technique a été également exploitée pour concevoir des "méta-lentilles", capables de focaliser plusieurs longueurs d'onde au même endroit (cf. figure ci-dessus).

Des étapes technologiques restent encore à franchir pour une mise en œuvre généralisée de ce nouveau concept de compensateurs à base de métasurfaces, mais par sa simplicité, il est prometteur et pourrait trouver des applications dans le domaine des optiques grand public, des composants pour la réalité augmentée et, de façon générale, pour toute application d'imagerie polychrome.

Un communiqué du CNRS daté du 14 mars 2019.  Accéder au communiqué sur le site du CNRS