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Concepts et chiffres de l'énergie : variabilité des sources renouvelables électriques

30/11/2020

Delphine Chareyron

ENS Lyon / DGESCO

Hélène Horsin-Molinaro

ENS Paris-Saclay / DGESCO

Bernard Multon

ENS Rennes

Delphine Chareyron

ENS Lyon / DGESCO

Introduction

Le dossier « Concepts et chiffres de l'énergie » est co-rédigé et co-publié avec le site Culture Sciences de l'ingénieur. Les données sont tirées de nombreuses références (rapports de groupes de recherche, publications dans des revues spécialisées, rapports d'instituts nationaux...)

Dans cet article, nous proposons au lecteur des chiffres, graphes et cartes correspondants à la variabilité des énergies renouvelables et à leur prévision. Chaque document est sourcé afin de pouvoir retrouver les données ou les comparer à d'autres pays, périodes, unités...

Les définitions des termes employés peuvent être retrouvées dans le glossaire du dossier.

1. Les énergies renouvelables dans la production d’électricité en France

En 2019, la production d’électricité en France s’établissait à 537,7 TWh. Les énergies renouvelables fournissaient 21,5% de l’énergie électrique totale dont 11,2% de production hydraulique, source renouvelable historique encore majoritaire à l’heure actuelle. Les productions éolienne, photovoltaïque et à partir de bioénergie (voir glossaire) représentaient respectivement 6,3%, 2,2% et 1,8% du total de la production. La production thermique à combustible fossile prenait part à hauteur de 7,9% dont 7,2% par le gaz [1], figures 1 et 2.

2. Énergies renouvelables, intermittence ou variabilité ?

Certaines énergies renouvelables conduisent une production électrique variable, discontinue et non programmable, puisque dépendante des conditions météorologiques et du cycle jour/nuit. C’est le cas de l’éolien et du photovoltaïque, qui concentrent probablement toute l’attention par leur développement actuel, mais également par leur immense potentiel, et pour lesquels les capacités de prévisions météorologiques permettent cependant d’anticiper les variations de production.

Ainsi le terme d’intermittence, généralement employé, ne fait référence qu’à ces deux sources renouvelables d’électricité [2]. Quant aux productions hydrauliques et thermiques à partir de biomasse, elles sont également variables, mais beaucoup moins et elles sont surtout plus aisément pilotables (voir glossaire), les plus flexibles d’entre-elle étant les usines hydroélectriques de barrage. Ces dernières doivent cependant être gérées avec anticipation en fonction de la pluviométrie et d’autres contraintes associées à l’exploitation des cours d’eau, mais c’est généralement à une échelle de temps plus longue.

Si les productions par l'éolien et le photovoltaïque sont bien variables ou fluctuantes, ces variations peuvent être relativement lissées grâce au foisonnement des installations et elles peuvent être prédites avec une relativement bonne précision. C'est ce qui permet de les intégrer dans la planification au même titre que les variations de consommation qui peuvent tout autant subir des fluctuations rapides, parfois à grande échelle (cas des chauffe-eau électriques enclenchés simultanément aux instants de basculement entre tarifs heures pleines et heures creuses).

En réalité, la gestion de cette variabilité de la production ne se pose pas à l’échelle d’une éolienne ou d’une toiture photovoltaïque, mais doit être observée sur l’ensemble du réseau électrique. En effet, par la répartition des installations sur l’ensemble d’un territoire comme la France, les variations de production locales sont lissées. De plus, ces variations sont en grande partie prévisibles et peuvent être anticipées sur l’ensemble d’une cellule du système électrique (réseau de distribution ou de transport, selon les niveaux de puissance de raccordement des installations).

Dans le cas où le réseau de transport est assez surdimensionné, en raisonnant à l’échelle du territoire français, les variations de production locales sont lissées et prévisibles avec un niveau d’erreur beaucoup plus faible. D’ailleurs dans l’hypothèse d’un scénario 100% renouvelable, en France, c’est surtout le réseau de distribution qui devrait être renforcé. Cette prévisibilité à court (quelques heures) et moyen terme (1 à 3 jours) permet de satisfaire les besoins de planification pour un réseau électrique stable et sûr.

En outre, on dit souvent que les installations éoliennes et PV ne peuvent pas participer aux « services système [1] » (voir glossaire). Pour cela, il peut être demandé aux producteurs de modifier leur puissance injectée active et réactive. Toutes les installations modernes sont déjà équipées naturellement de convertisseurs électroniques de puissance qui peuvent aisément contrôler la puissance réactive. Reste le contrôle de la puissance active qui est évidemment plus délicat puisque la production se fait au fil du vent ou du soleil. L’action à la baisse est facile à mettre en œuvre en désoptimisant la puissance récupérée, celle à la hausse est la plus problématique. Plusieurs méthodes ont déjà été expérimentées, comme un fonctionnement sous-optimal permanent ou encore l’ajout de moyens de stockage. Dans les deux cas, cela représente un surcoût (manque à gagner de production dans le premier, amortissement de l’investissement et coûts des pertes, dans le second). Ce surcoût a déjà été évalué et ne vient pas grever la compétitivité globale d’un tel système.

La figure 3 présente l'évolution de la production mensuelle d'électricité des filières photovoltaïques et éoliennes en France en 2019.

Sur la figure 2, les données de puissance moyenne sont lissées sur le mois. Il faut aussi tenir compte des phénomènes réguliers journaliers, dont la puissance maximale (moyénnée en général sur 30 minutes ou 1h) donne une idée de l’amplitude. Pour le photovoltaïque, la production d'énergie ne peut avoir lieu qu'en journée. En ce qui concerne le vent, les fluctuations journalières sont liées aux gradients de température, donc au rayonnement solaire, à l’albédo et autres phénomènes atmosphériques.

Les données au pas horaires de la production fançaise sont accessibles en ligne via le site ECO2mix de RTE.

La figure 4 met en évidence la production nationale journalière photovoltaïque moyennée sur les années 2018 et 2019, en fonction de l'heure de la journée, ainsi que l’amplitude de variation de ces moyennes entre le premier et le dernier décile de chaque année. Ces amplitudes sont représentatives des écarts de production entre l’hiver et l’été. Les moyennes sont cependant affectées par la dynamique d’évolution, au cours de chaque année, de la puissance PV raccordée au réseau. C’est d’ailleurs ce qui explique le fait que les courbes 2019 (puissance installée de 8,95 GW au 12 décembre 2019) se trouvent au-dessus des courbes 2018 (puissance installée de 8,08 GW au 12 décembre 2018), au-delà d’une éventuelle différence d’ensoleillement entre ces deux années [3].

La figure 5 représente les prévisions sur 7 jours de vent (en nœuds) en un point de la côte Atlantique avec un maillage de 50 km et un pas de 3 h.

D’autres sources renouvelables, comme l’hydraulique de barrage, sont plus facilement programmables et restreindre les sources d’électricité renouvelable à l’éolien et au photovoltaïque, c’est ne pas tenir compte du caractère complémentaire des différentes sources d’énergie. L’analyse des coûts de la variabilité ne peut être faite qu’à l’échelle du système et il est très complexe, pour ne pas dire délicat, d’attribuer à chaque installation un coût individuel en faisant abstraction de l’ensemble du système. Il faut rappeler que le développement du système électronucléaire historique a requis la construction d’un imposant réseau de transport et également d’installations de pompage-turbinage, donc de stockage d’énergie. Ces deux éléments permettent d’accompagner un système de production devenu plus diversifié.

Les indisponibilités nucléaires

Dans le domaine nucléaire il existe aussi des périodes d'indisponibilité de production. En 2019, l’indisponibilité nucléaire moyenne a été de 17,7 GW.

En France, les centrales nucléaires ont été conçues pour être exploitées pendant 40 ans, durée actuellement prolongée à 50 voire 60 ans. Pendant cette période, la maintenance est organisée avec des arrêts réguliers de production.

Il y a des indisponibilités programmées : tous les 12 ou 18 mois environ selon le palier technique, chaque réacteur est arrêté pendant un mois environ pour recharger en combustible une partie du cœur du réacteur ou pendant plusieurs mois pour effectuer un rechargement complété par des travaux de maintenance plus lourde. Par ailleurs, tous les dix ans, une inspection décennale détaillée et complète du réacteur est effectuée, en particulier des principaux composants critiques (cuve, circuit primaire, générateurs de vapeur, enceinte de confinement...). La durée initiale d’une indisponibilité programmée est susceptible d’être ajustée, souvent à la hausse, en fonction de complications ou d’évènements apparus durant l’indisponibilité.

Il y a aussi des indisponibilités fortuites : elles font généralement suite à une panne technique, ou à une contrainte réglementaire qui oblige la diminution de puissance ou même l’arrêt du réacteur concerné. Dans ce contexte, l’équilibre offre-demande (principalement en hiver) peut être contraint par le planning de maintenance des centrales nucléaires décidé par l’exploitant, mais surtout par des arrêts de réacteurs non prévus, liés à la prolongation d’arrêts planifiés, à des conditions climatiques ou environnementales particulières (canicules et respect des limites de température de l’eau des fleuves dans lesquels sont rejetées les eaux des turbines, tremblements de terre...), à des mouvements sociaux ou à des décisions prises par l’Autorité de Sureté nucléaire [1].

Il existe donc bien également des périodes de coupures dans la production électronucléaire même si elles sont moins fréquentes que dans le cas de l’éolien et du photovoltaïque.

3. La production hydroélectrique

L’hydraulique, moyen le plus ancien de production d’électricité par ressource renouvelable, est fondé sur l’exploitation de l’énergie gravitationnelle de l’eau. Les premières utilisations sont les moulins hydrauliques. Il s’agit de la ressource renouvelable la plus utilisée au monde et en France. La production hydroélectrique peut être classée, de façon simplifiée, en installations d’une part de barrages et d’autre part, au fil de l’eau. Cette technologie présente aussi l’avantage de pouvoir stocker aisément l’énergie grâce aux retenues, éventuellement en étant réversible grâce au pompage-turbinage [4] à condition de disposer d’un réservoir situé au niveau inférieur. Les installations au fil de l’eau ont une production sensible au débit du cours d’eau, mais elles peuvent, dans une moindre mesure, en ajustant le niveau de retenue et en acceptant un peu de marnage (fluctuations du niveau de l'eau des cours d’eau), permettre d’accumuler de l’énergie dans le cours d’eau, par exemple la nuit, pour la restituer plus tard, par exemple le jour.

Au 31 décembre 2019, 25 557 MW de puissance hydraulique étaient installés, répartie inégalement sur le territoire français, pour une production de 55,5 TWh. La région Auvergne-Rhône-Alpes concentrait près de 46% de parc national soit 11 641 MW, vient ensuite la région Occitanie représentant 21% du parc national soit 5 392 MW, figure 6. Certaines régions ont des caractéristiques peu propices à l’exploitation de l’énergie hydraulique (absence de massifs montagneux ou de cours d’eau, forte densité urbaine) comme les régions Hauts-de-France, Île-de-France ou Pays de la Loire qui représentaient, à cette date 0,1% du parc national [5]. En Bretagne, si la puissance semble plus élevée que dans les régions limitrophes, c’est grâce à l’usine marémotrice de la Rance (240 MW) qui est comptabilisée dans le parc hydroélectrique. Notons que cette installation est équipée de groupes de turbines réversibles qui peuvent à la fois turbiner dans les deux sens mais également fonctionner en pompage afin d’effectuer des opérations de stockage-déstockage d’énergie.

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L’hydraulique a couvert plus de 11% de l’électricité consommée sur l’année 2019, il s’agit de la deuxième source d’électricité française et la première parmi les sources renouvelables.

La Figure 7 montre le taux de couverture de la consommation nationale par cette source renouvelable sur 3 années. Ce graphique permet de prendre conscience de la forte variabilité annuelle, largement liée aux fluctuations de pluviométries, fluctuations qui devraient d’ailleurs être de plus en plus fortement accentuées par le dérèglement climatique.

4. Les productions éoliennes et photovoltaïques

4.1 Des productions lissées et prévisibles

Comme nous l’avons écrit plus haut, la production d’électricité issue du vent et de l’ensoleillement est naturellement variable au gré des conditions météorologiques. En outre, comme pour tous les autres moyens de production, même si leur taux de disponibilité (voir glossaire) se révèle très élevé (au-delà de 97%) il peut y avoir des défaillances et des interruptions de service pour maintenance (planifiées en période de faible gisement). Mais le fait même que l’on ait à faire à une multitude de petites unités décentralisées atténue beaucoup leurs effets. Concernant la variabilité due aux conditions météos, leur production est lissée à l’échelle de l’ensemble des installations d’un territoire.

En France, il existe trois grands régimes de vent indépendants : méditerranéen, atlantique et continental. Cette particularité géographique permet de bénéficier d’une production éolienne plus régulière que dans d’autres pays européens : il est rare que ces trois régimes de vent soient au calme plat simultanément. La production éolienne ne varie donc pas de façon uniforme sur tout le territoire français [6].

La production photovoltaïque fonctionne sur ce même principe : la probabilité que les masses nuageuses couvrent l’intégralité du territoire en journée, est extrêmement faible et, même, dans ce cas, la production ne s’annule pas, puisqu’il subsiste toujours du rayonnement. L’effet de foisonnement engendre un lissage de la variabilité au niveau national ce qui montre l’intérêt de la mutualisation des productions régionales via le réseau. Outre les foisonnements propres à chaque filière, il faut tenir compte de leur complémentarité. Au niveau saisonnier, l’éolien produit plus en hiver alors que le photovoltaïque génère plus en été. On retrouve même, de façon un peu moins marquée cette complémentarité à l’échelle de la journée. Ainsi, à condition que les puissances installées soient complémentaires et que la répartition territoriale soit en accord avec les capacités de transport des réseaux, le déficit de production d’une filière peut être partiellement compensé par une production plus importante de l’autre (figure 8) [2].

L’un des problèmes importants, dans le cas d’un système à très haut niveau de sources renouvelables variables, réside dans l’exploitation de surplus de puissance très élevés qui ne manqueraient pas de survenir selon les conditions météorologiques. Tout d’abord, pour l’atténuer au niveau saisonnier, il est important d’équilibrer la production éolienne (plus élevée en hiver sous nos latitudes) et celle photovoltaïque (plus élevée en été), cela a déjà fait l’objet d’études sur la base de données météorologiques sur une dizaine d’années. Sachant que l’on n’envisage pas de stockage électrique réversible à grande échelle, une fois le système dimensionné et soumis à la météorologie instantanée, trois grandes voies sont possibles : l’écrêtage de puissance (on perd donc du « productible »), la production de combustible renouvelable (hydrogène, méthane de synthèse par méthanation), et dans une moindre mesure, l’action sur la demande flexible (chauffe-eau, recharge de véhicules électriques…).

4.2 La production éolienne

En 2019, le parc éolien a progressé de 9%, il représentait 16 494 MW de puissance installée en France répartie inégalement sur le territoire, pour une production de 34,1 TWh, figure 9. Deux régions produisent légèrement plus de 50% à elles deux : les Hauts-de-France et le Grand-Est (figure 10) [4].

L’énergie éolienne a couvert plus de 6% de l’électricité consommée sur l’année 2019, il s’agit de la deuxième source d’électricité renouvelable française derrière l’hydraulique.

La figure 11 montre l’évolution du taux de couverture mensuelle de la consommation électrique nationale par l'éolien de janvier 2017 à décembre 2019. Ce graphique permet de prendre conscience de la variablité saisonière et met en évidence la progression du parc éolien.

Enfin, précisons que la variabilité de l’éolien peut être atténuée par un accroissement du facteur de charge (voir glossaire) grâce à un dimensionnement adéquat des turbines. En effet, à puissance nominale donnée, il est possible d’augmenter le diamètre de la turbine et d’écrêter la puissance à une valeur de vitesse de vent plus faible. Ainsi, on atteint aisément, dans des zones terrestres, des facteurs de charge de plus de 40%. C’est le cas, aux USA où ce paramètre est mieux pris en compte dans les choix de construction des parcs éoliens ainsi que dans les incitations. Ainsi, sur l’année 2018, le facteur de charge moyen des parcs (terrestres) construits entre 2014 et 2017 était égal à 41,9% contre 30,8% pour ceux construits entre 2004 et 2011 [7]. Pour comparaison, le facteur de charge du parc éolien français était de 21% en 2018. Et en mer, comme les vents sont plus intenses, les valeurs sont encore plus élevées et pourront atteindre à terme plus de 60%.

4.3 La production photovoltaïque

En 2019, le parc photovoltaïque a progressé de 7,8%, il représentait 9 284 MW de puissance installée en France réparti inégalement sur le territoire, pour une production de 11,6 TWh, figure 12.

La région Nouvelle-Aquitaine a produit 3,21 TWh, l’Occitanie 2,6 TWh et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur 1,9 TWh (figure 13) [5].

L’énergie photovoltaïque a couvert plus de 2% de l’électricité consommée sur l’année 2019, il s’agit de la troisième source d’électricité renouvelable française derrière l’hydraulique et l’éolien.

La figure 14 montre l’évolution du taux de couverture mensuelle de la consommation électrique nationale du parc photovoltaïque de janvier 2017 à décembre 2019. Elle met en évidence une progression sensible du parc photovoltaïque, avec une valeur maximale d’environ 4,5% durant l’été 2019.

4.4 Importance de la prévision météorologique

L’électricité se stockant difficilement, il est plus pertinent de distribuer et consommer l'énergie au moment où elle est produite. Le raccordement au système de distribution des énergies solaire et éolienne nécessite une gestion réactive du réseau et une anticipation de la production. L'équilibre entre la production et la consommation est de surcroît géré par de nombreux acteurs depuis la libéralisation du marché intérieur de l'électricité (marché boursier Epex Spot pour la France). La prévision météorologique tient donc un rôle majeur dans la transition énergétique en cours vers plus d’énergies renouvelables [8].

Pour assurer les prévisions météorologiques de rayonnement solaire, de multiples instruments d'observation et modélisations sont déployés : images satellites, méthodes de modélisation de la couverture nuageuse, caméras à vision hémisphérique, vision infrarouge (figure 15).

La prévision du vent et de la production d'énergie éolienne nécessite d'avoir accès au champ des vecteurs vents. L'instrument le plus utilisé est le lidar à effet Doppler qui, combiné avec 2 autres pour scanner l'espace, donne accès à une reconstitution tridimensionnelle du champ du vent avec en chaque point, la direction, le sens et la vitesse du vent. Les modélisations et images radar permettent d'obtenir des informations sur les profils verticaux du vent, les conditions de convection et les changements de dynamiques (figure 16).

Pour que les énergies renouvelables rentrent en plus grande partie dans le mix énergétique, la prévision météorologique est stratégique et indispensable. Les informations doivent être traitées de la minute à plusieurs jours sur les smart-grids (réseaux intelligents) afin de maintenir l'équilibre entre production et consommation d'électricité sur le réseau de distribution.

4.5 Et en l’absence de vent et de soleil

Les périodes sans vent ni ensoleillement sont rares, mais si les productions éolienne et photovoltaïque sont moins importantes, d’autres énergies peuvent prendre le relais.

C’est le cas de l’hydraulique dit éclusé et notamment des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Les STEP sont des installations hydroélectriques constituées de réservoirs d’eau positionnés à des altitudes différentes et d’un dispositif de pompage réversible qui puise aux heures creuses de l'eau dans le bassin inférieur afin de remplir le bassin supérieur. L'eau est ensuite turbinée aux heures pleines. L'électricité de ces stations est appelée essentiellement en période de pointe [9].

C’est également le cas du nucléaire, qui suit déjà les fluctuations de la consommation d’électricité en France. Le relais devrait être également possible avec le développement des centrales thermiques fonctionnant aux énergies renouvelables. Les moyens de stockage d’électricité permettent de remédier aux déficits de production éolienne ou photovoltaïque. Avec l’augmentation des capacités installées d’éolien et de photovoltaïque, le recourt aux énergies fossiles lorsque les capacités augmentent ne sera donc pas nécessaire.

4.6 Quid du stockage

Il est aussi possible de récupérer l'énergie fournie par les systèmes de production variable (PV et éolien) sur des plages où la demande n'est pas n'est pas immédiate. L’énergie électrique se stocke rarement directement, mais se convertit aisément en d’autres formes (potentielle gravitaire, cinétique, chimique...) elles-mêmes parfaitement stockables.

Les technologies les plus crédible pour le stockage de masse (au-delà du MWh) :

  • Un stockage hydraulique gravitaire : les stations de transfert d’énergie par pompage sont des installations constituées de réservoirs d’eau positionnés à des altitudes différentes et d’un dispositif de pompage réversible permettant le transfert de masses d’eau entre ces réservoirs et ainsi d’exploiter de façon réversible leur énergie potentielle. C’est actuellement la technologie la plus utilisée au monde et de très loin, pour des puissances allant jusqu’à plusieurs GW avec des capacités énergétiques correspondant jusqu’à 2 jours à pleine puissance. Afin de réduire les contraintes associées à la construction de grands réservoirs, des variantes ont été imaginées comme, par exemple, un système de grues empilant des blocs de béton (société suisse Energy Vault) pour des capacités énergétiques et des puissances plus faibles.
  • Un stockage par accumulateurs électrochimiques : Le stockage électrochimique d’énergie est sans doute le plus emblématique car il constitue la solution de très loin la plus utilisée dans les applications embarquées et portables grâce à ses performances en énergie massique. Dans le domaine stationnaire, les batteries électrochimiques équipent également des installations photovoltaïques isolées ou encore des installations raccordées mais avec un haut niveau d’autoconsommation. A plus grande échelle (jusqu’à plusieurs centaines de MW et de MWh), l’utilisation de « gigabatteries » se développe dans plusieurs pays. Par exemple en Australie où elles permettent à la fois d’accompagner le développement de fermes photovoltaïques ou éoliennes et de sécuriser des réseaux vulnérables en cas de défaillance des interconnexions [10].
  • Un stockage via l’hydrogène : Le stockage d’électricité via l’hydrogène consiste à associer un électrolyseur pour convertir l’électricité en hydrogène, un dispositif de stockage d’hydrogène et une pile à combustible pour la conversion en électricité de l’hydrogène et de l’oxygène récupéré lors de l’électrolyse ou pris dans l’air. Le stockage de l'hydrogène peut s'effectuer sous forme gazeuse (jusqu'à 700 bars), liquide (20K) ou solide (dans des hydrures métalliques). Actuellement, les très faibles rendements de conversion sur cycle associés aux coûts élevés des composants et à une durée de vie encore trop faible, conduisent à n’envisager cette technologie que pour des taux extrêmement élevés de sources variables. La transformation d’électricité en méthane (méthanation) associée à une utilisation partielle de ce méthane dans des turbines à gaz pour produire de l’électricité, semble une solution plus réaliste sur le plan économique à moyen terme, surtout dans un contexte de coopération entre réseaux électriques et gaziers.

On pourra retrouver plus d’informations sur ces procédés de stockage, ainsi que d’autres adaptés plutôt à de courtes échelles de temps, dans les articles : Introduction au stockage de l'énergie électrique et Technologies des systèmes de stockage sur le site CultureSciences de l'ingénieur.

5. Les ressources bioénergétiques

En 2019, le parc des bioénergies (voir glossaire) a progressé de 3,7%, il représentait 2 122 MW de puissance installée en France réparti inégalement sur le territoire, pour une production de 7,7 TWh, figure 17.

Deux régions disposent de plus de 300 MW, la Nouvelle-Aquitaine (326 MW) et l’Île-de-France (317 MW) (figure 18).

La répartition du parc des bioénergies est en premier lieu, à 42%, la combustion des déchets ménagers (production électrique des unités d’incinération d’ordures ménagères), puis le bois à hauteur de 32%, le biogaz (voir glossaire) à 24% et pour une petite partie (2%) les déchets de papeteries (figure 18). S’agissant de combustion et en particulier les déchets ménagers, cette source est émettrice de CO2.

Ces installations fonctionnent souvent en cogénération, c’est-à-dire qu’en plus de la production électrique, une partie importante de la chaleur habituellement rejetée dans l’environnement est récupérée pour un usage énergétique (injection dans des réseaux de chaleur ou usage local). Les chiffres donnés ici ne correspondent qu’à la génération d’électricité.

La bioénergie couvre moins de 2% de l’électricité consommée sur l’année 2019, il s’agit de la quatrième source d’électricité renouvelable française derrière l’hydraulique, l’éolien et le photovoltaïque.

La figure 19 montre l’évolution du taux de couverture mensuelle de la consommation électrique nationale par les bioénergies de janvier 2017 à décembre 2019.

6. Conclusion

La part de la production issue des sources d’énergies renouvelables croît régulièrement mais reste encore faible, en France, par rapport à l’énergie nucléaire, figure 20. Cette croissance est largement soutenue par l’éolien et le solaire photovoltaïque dont le potentiel est extrêmement élevé, alors que celui de l’hydraulique est proche de la saturation et que sa productivité risque même de décliner à cause du dérèglement climatique. Quant aux bioénergies, le potentiel est relativement important mais les relations avec le vivant soulèvent encore des questions : impacts sur la biodiversité, compétition avec les cultures vivrières, qui pourraient limiter le potentiel dans certaines régions du monde. Pour la France, où la densité de population est faible, la contribution de la biomasse (notamment à partir de déchets) à la production d’énergie représente un potentiel non négligeable [11][12].

Comme les émissions spécifiques (sur cycle de vie) des filières renouvelables se situent aux meilleurs niveaux (sauf exception, notamment l’hydroélectricité en forêt tropicale), leur exploitation pour la production d’électricité permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment en réduisant les besoins d’énergies fossiles. Les émissions de CO2 dues à la production d’électricité en France ont baissé de 6% en 2019 en raison d’une forte baisse de la production à partir de charbon [1], figure 21.

D’une façon générale, dans le monde, la teneur en CO2 de l’électricité (exprimée en grammes de CO2/kWh) est en baisse constante, grâce à la croissance rapide de la production électrique renouvelable (5,9% par an en moyenne sur la décennie 2008-2018, contre 1,9% par an pour les non renouvelables). Cette croissance est surtout dûe à l'augmentation des installations éoliennes et photovoltaïques. Dans le cas de l’Europe (UE28), très dynamique en la matière, on observe une diminution de 444 à 331 gCO2/kWh entre 2000 et 2016 [13]. Au niveau mondial, sur la même période, on est passés de 540 à 475 gCO2/kWh. Ceci est d’autant plus important que la production d’électricité reste le premier poste d’émission de GES au niveau mondial, à hauteur d’environ 40%.

Les énergies renouvelables électriques ne sont pas toutes non pilotables ou variables indépendamment de la demande, c’est notamment le cas de l’hydraulique ou des bioénergies qui pourraient aisément être flexibles. Quant à celles qui sont variables au fil du vent (éolien) ou du soleil (photovoltaïque), elles ne peuvent pas être qualifiées d’énergies intermittentes. En effet, leurs variations de production sont relativement lentes et lissées grâce au foisonnement des installations à travers le territoire national et surtout, elles sont prévisibles à court terme (heure) et moyen terme (plusieurs jours). Les prévisions sont d’ailleurs utilisées quotidiennement par les gestionnaires de réseau, au même titre que celles de consommation, elles-mêmes dépendantes des conditions météorologiques.

Les deux sources au potentiel le plus élevé que constituent l’éolien et le photovoltaïque possèdent une forte complémentarité qui facilite grandement leur gestion. Associées à des moyens de production programmables et un peu plus de moyens de stockage qu’aujourd’hui, elles peuvent connaître un développement soutenu sans mettre en péril le réseau d’électricité pour atteindre un très haut de niveau de pénétration qui permettra d’arriver à une production plus respectueuse de l’environnement. Mais, pour que ce modèle soit transposable au niveau mondial, il doit impérativement être associé à une amélioration considérable de l’efficacité des usages et de la sobriété générale de nos sociétés, tout particulièrement dans les pays riches où le gaspillage est immense. Plusieurs scénarios de transition énergétique existent prenant en compte les contraintes environnemntales, sociétales et climatiques (Négawatt [12], Afterres [11],…).



[1] Ces services permettent au gestionnaire du réseau de maintenir l’équilibre des puissances et le respect des niveaux de tension. Pour plus de détails pour le réseau de transport : https://www.cre.fr/Electricite/Reseaux-d-electricite/services-systeme-et-mecanisme-d-ajustement.

Pour citer cet article :

Concepts et chiffres de l'énergie : variabilité des renouvelables, Delphine Chareyron, Hélène Horsin-Molinaro, Bernard Multon, novembre 2020. CultureSciences Physique - ISSN 2554-876X, https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/chiffres-energie-variabilite-renouvelable.xml

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