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Faire des hypothèses...

26/04/2006

Gabrielle Bonnet

Gabrielle Bonnet

Résumé

Faire des hypothèses simplificatrices, calculer une solution, puis vérifier a posteriori la cohérence de la solution avec les hypothèses : une méthode de résolution courante en physique. À partir de l'exemple de deux exercices, mise en évidence des limites de cette méthode.


Les situations physiques étant souvent complexes et difficiles à résoudre, il est courant d'émettre une ou plusieurs hypothèses simplificatrices, justifiées par l'intuition ou le contexte du problème. Cette ou ces hypothèses sont ensuite vérifiées a posteriori. À partir de l'exemple de deux exercices (que vous retrouverez en cliquant ici) nous souhaitons mettre en évidence les justifications et les limites de cette méthode.

La solution donnée au deuxième exercice proposé : résoudre x + y = 1, est évidemment fausse. Nous avons émis l'hypothèse arbitraire que x est négligeable devant y, ce qui nous donne y = 1 et x = 0, qui est bien cohérent avec l'hypothèse de départ... Mais on est loin d'avoir ainsi résolu le problème !

En effet, tout ce que nous avons fait, c'est vérifier que la solution trouvée : x = 0 et y = 1, est bien une solution de l'équation de départ. Nulle part dans notre procédure nous ne nous sommes préoccupés de savoir s'il y avait d'autres solutions possibles...

La méthode utilisée : faire des hypothèses, trouver une solution vérifiant cette hypothèse et les équations de départ, puis vérifier que tout est bien cohérent, est implicitement basée sur la supposition que les équations considérées possèdent une unique solution. Dans ce cas, trouver une "solution qui marche" suffit pour résoudre le problème. L'équation "x + y = 1" ayant un nombre infini de solutions, par contre, appliquer cette méthode pour résoudre ce problème-là est absurde...

Problèmes physiques et nombre de solutions

Est-ce que, par nature, les problèmes physiques ne doivent pas avoir une unique solution ? Dans ce cas, la méthode ne pourrait-elle pas être appliquée sans crainte dans n'importe quel problème physique ?

Pourtant, il est possible que les équations physiques que l'on cherche à résoudre aient plusieurs solutions... Certes, on s'éloigne du cas le plus courant, mais le problème mérite d'être considéré.

Brisure de symétrie

Un certain nombre de problèmes physiques permettent de mettre en évidence des "brisures de symétrie".

En matière condensée, la cristallisation correspond à une brisure de symétrie : on part d'une situation désordonnée, dans laquelle aucun axe n'est privilégié, et on arrive à un cristal qui ne possède qu'une partie des symétries de la situation initiale.


Des "brisures de symétrie" existent dans tous les domaines de la physique. On peut ainsi en retrouver aussi en mécanique des fluides : prenez un entonnoir, et faites couler de l'eau dans le petit bout de l'entonnoir, le filet d'eau va ressortir de l'autre côté en coulant toujours sous forme de filet le long de la paroi l'entonnoir. Bien que la situation de départ ait été symétrique (il y a symétrie axiale ici), le résultat final est asymétrique.

Exemple de brisure de symétrie avec un entonnoir

Gabrielle Bonnet

On fait couler de l'eau à plusieurs reprises dans l'entonnoir, sans bouger celui-ci (on l'a scotché au robinet). Le filet d'eau ressort dans deux directions différentes...


En mécanique aussi, si on prend une feuille de papier blanche, que l'on maintient par son extrémité inférieure verticale sur la table, on va la voir se plier : la symétrie de départ, là encore, est brisée...

Les exemples sont donc multiples de cas pour lesquels les équations de la physique vont donner plusieurs solutions différentes, à partir d'un état initial symétrique donné. Les équations décrivant les problèmes physiques, quoiqu'ayant généralement une unique solution, peuvent donc parfois en avoir plusieurs qui sont a priori parfaitement équivalentes...

Voilà donc des situations, certes rares mais pas exceptionnelles, dans lesquelles l'unicité des solutions n'est pas assurée.

Des équations incomplètes ?

Pour mémoire, peut-être convient-il de rappeler aussi que, de façon moins subtile, il peut arrive que l'on résolve un problème physique en oubliant de vérifier la cohérence du résultat obtenu avec une partie des équations du problème.

En thermodynamique, il existe un grand nombre d'états finaux possibles cohérents avec la conservation de l'énergie... Donc, si l'on fait une hypothèse, obtient un résultat, prouve qu'il est cohérent avec le premier principe mais oublie de vérifier sa cohérence avec le deuxième principe, on peut aboutir à un résultat erroné.

Il ne faut donc jamais oublier de vérifier la cohérence du résultat obtenu avec toutes les équations décrivant le phénomène physique étudié !

Conclusion

Si faire une hypothèse, résoudre le problème étudié en tenant compte de cette hypothèse, et enfin vérifier que le résultat obtenu est bien cohérent est une méthode couramment utilisée en physique, c'est parce que les problèmes physiques, le plus souvent, ont une solution unique. Dès que l'unicité de la solution n'est plus assurée - ce qui est le cas de nombreux problèmes de mathématiques, et de quelques phénomènes physiques-, cette méthode n'est plus utilisable. Par exemple, en physique, lorsqu'il y a brisure de symétrie, les équations décrivant le problème admettent plusieurs solutions a priori équivalentes.

Pour citer cet article :

Faire des hypothèses..., Gabrielle Bonnet, avril 2006. CultureSciences Physique - ISSN 2554-876X, https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/QShypSol.xml

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