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Plus vite que la lumière : effet Cherenkov

26/04/2012

Gabrielle Bonnet

Mathilde Glénat

École Normale Supérieure de Lyon

Mathilde Glénat

Résumé

Cet article décrit et explique l’effet Cherenkov, un phénomène apparemment paradoxal puisqu’il est observé quand la vitesse d’une particule chargée relativiste devient égale ou supérieure à la vitesse de la lumière. C’est possible dans un milieu d’indice n supérieur à l’unité, la lumière se propageant alors à une vitesse inférieure à la limite c qui est la vitesse de propagation dans le vide.

Un article du dossier « La vitesse de la lumière ».


Première version de l'article : 12 - 09 - 2003

Introduction : qu'est ce que l'effet Cherenkov

L'effet Cherenkov, découvert et interprété par le physicien russe Pavel Cherenkov, lui a valu le prix Nobel en 1958. L'effet Cherenkov se produit lorsqu'une particule se déplace plus vite que la vitesse de la lumière dans le milieu considéré. Elle ne va toutefois pas plus vite que la vitesse de la lumière dans le vide, il n'y a donc rien de contradictoire avec la théorie de la relativité. Si v est la vitesse de la particule, et n l'indice du milieu, on a :

cn(vitesse de la lumière) v<c

Aller « plus vite que la lumière » est, tout comme « aller plus vite que le son », accompagné de phénomènes particuliers, c'est à ces phénomènes qu'on a donné le nom d'« effet Cherenkov ». Lorsqu'un avion atteint puis dépasse la vitesse du son : il se produit un « bang » sonore caractéristique, on dit que l'avion « passe le mur du son ». Lorsqu'il s'agit de dépasser la vitesse de la lumière, il y a là aussi des phénomènes singuliers, lumineux et non plus sonores cette fois. Une particule qui atteint la vitesse de la lumière dans le milieu dans lequel elle se déplace émet une lumière intense, de couleur bleue. Au-delà de la vitesse de la lumière, cette particule constitue la pointe d'un cône lumineux de couleur bleue dont l'angle au sommet dépend de la vitesse de la particule.

Où observe-t'on l'effet Cherenkov ?


La couleur bleue dans la piscine des centrales nucléaires est due à l'effet Cherenkov, des particules sont en effet émises à très grandes vitesses lors des désintégrations radioactives qui se produisent dans le réacteur avant d'être ralenties par l'eau.

Les astronautes ont pu eux aussi observer des éclairs bleus dans leurs yeux, dus à l'effet Cherenkov : dans l'humeur aqueuse de l'oeil, il est possible à des particules cosmiques extrêmement rapides d'aller plus vite que la vitesse de la lumière dans ce milieu, créant ainsi un effet Cherenkov. On n'observe pas cet effet à la surface du globe car les particules cosmiques sont ralenties ou absorbées par l'atmosphère avant d'arriver au sol.

L'effet Cherenkov est très utilisé pour déterminer la vitesse de particules très rapides en mesurant l'angle du cône lumineux émis par les particules. Le détecteur super-Kamiokande au Japon, en particulier, utilise l'effet Cherenkov. Enfin, l'effet Cherenkov est même utilisé en médecine !...

Cas d'une particule immobile

Lorsqu'une particule immobile émet de la lumière (on suppose qu'elle rayonne de façon isotrope) de longueur d'onde λ0 dans un milieu d'indice n, les surfaces d'onde à un instant donné (surfaces sur lesquelles, à cet instant, l'amplitude de l'onde est maximale) sont des sphères concentriques, centrées sur la particule émettrice, et séparées par la distance λ0.

L'onde se déplaçant à la vitesse de la lumière v1=cn, le rayon de ces sphères s'accroît de la longueur vl t pendant la durée t. En outre, l'onde a une période temporelle T donc tout se passe comme si les surfaces d'onde, ces sphères concentriques, étaient "émises" toutes les périodes T=λ0v1. Cette période est de l'ordre de 10-15s.


Particule se déplaçant à une vitesse v inférieure à celle de la lumière dans ce milieu (cas où on retrouve l'explication de l'effet Doppler)

Lorsque la particule est en mouvement à la vitessev, les surfaces d'ondes sont là encore des sphères, qui s'élargissent de façon isotrope, centrées sur le point en lequel elles ont été "émises". Toutefois, cette fois-ci, comme la particule se déplace, les centres des diverses surfaces d'onde sont décalés.

Particule en mouvement à une vitesse inférieure à celle de la lumière

Gabrielle Bonnet

On voit que la longueur d'onde de l'onde dépend de la direction suivant laquelle on l'observe. On a ici représenté seulement deux directions d'observations, correspondant aux valeurs extrêmes de la longueur d'onde, mais il est évident que l'on peut observer l'onde lumineuse émise dans toutes les directions de l'espace.


La distance entre deux surfaces d'onde dépend de la direction suivant laquelle on regarde la particule. La différence de rayon entre deux surfaces d'onde successives est λ0=v1T et leurs centres sont décalés de vT=λ0vv1 (v est la vitesse de la particule émettrice). La distance entre deux surfaces d'ondes successives est alors :

λ=λ0(1-vv1)

pour les ondes émises vers l'avant de la particule. Les ondes lumineuses émises par une particule se rapprochant de nous sont décalées vers le bleu (longueurs d'ondes plus courtes)

et

λ=λ0(1+vv1)

pour les ondes émises vers l'arrière de la particule. Les ondes lumineuses émises par une particule s'éloignant de nous sont décalées vers le rouge (longueurs d'ondes plus grandes)

Ce phénomène, appelé "effet Doppler", est l'analogue de ce qui se passe lorsqu'un véhicule se déplace à grande vitesse vers un observateur : le son émis est tout d'abord aigu (longueurs d'ondes plus courtes), puis, lorsque le véhicule a dépassé l'observateur et s'éloigne de lui, le son est grave (longueurs d'ondes plus grandes). L'effet Doppler peut être observé sur la lumière qui nous arrive de galaxies lointaines. Cette lumière, du fait de la fuite des galaxies (à cause de l'expansion de l'univers, les galaxies s'éloignent de nous à une vitesse d'autant plus grandes qu'elles sont plus éloignées de la Voie Lactée), est décalée vers le rouge (longueurs d'onde plus grandes). En mesurant ce décalage, on peut déterminer la vitesse de fuite des galaxies.

Particule se déplaçant à une vitesse v égale à celle de la lumière dans ce milieu

Que se passe-t'il lorsqu'on atteint la vitesse de la lumière dans le milieu? On voit qu'alors, vers l'avant, la longueur d'onde calculée précédemment : λ=λ0(1-vv1), qui est aussi la distance entre deux surfaces d'ondes successives, vaut 0 (v = vl). La particule "rattrape" l'onde qu'elle émet : ainsi, toutes les sphères sont concourantes au même point (ce point est la position de la particule à cet instant). L'énergie lumineuse émise vers l'avant est donc concentrée sur le plan perpendiculaire à la trajectoire de la particule et passant par sa position à cet instant et on a un "flash" lumineux.


Lorsqu'il s'agit d'onde sonore, on entend un "bang" : le véhicule dépasse le "mur du son", toute l'énergie sonore émise vers l'avant est concentrée sur un seul plan. L'analogie dans le cas de la lumière est ce "flash" lumineux obtenu lorsqu'on dépasse la vitesse de la lumière.

Particule se déplaçant à une vitesse v supérieure à celle de la lumière dans ce milieu (mais toujours inférieure à c)

Lorsque la particule dépasse la vitesse de la lumière dans le milieu dans lequel elle se déplace, elle va plus vite que les surfaces d'onde qu'elle "émet" et ces-dernières se retrouvent "derrière" la particule. Elles sont toutes incluses dans un cône dont le sommet est la particule en mouvement. Le demi-angle au sommet de ce cône sera noté α (voir dessin ci-dessous).

On peut calculer α en écrivant, dans le triangle rectangle dont un des sommets est la position de la particule à l'instant considéré et les côtés une des génératrices du cône (en bleu sur le dessin), la trajectoire de la particule (en noir sur le dessin, c'est l'axe du cône), et le rayon d'une des surfaces d'onde :

sinα=rayon de la surface d'ondedistance entre le centre de cette sphère et la particule

soit, si la surface d'onde considérée a été émise t secondes plus tôt,

sinα=v1tvt=v1v=cnv

(le rayon des sphères croît à la vitesse vl)

On constate que, plus l'indice ou la vitesse sont grands, et plus α est petit, sans toutefois atteindre 0 : la valeur minimale de l'angle α correspond en effet, pour un indice donné, à v = c soit sinα=1n. La valeur maximale de α vaut 90°, quel que soit n, et est atteinte lorsque la particule se déplace à la vitesse de la lumière dans le milieu.


On s'intéresse généralement plutôt à l'angle θc, complémentaire de α et qui vérifie l'équation

cosθc=cnv

Cet angle θc représente l'angle sous lequel un observateur immobile voit l'onde lumineuse lui arriver. On peut voir sur la figure qu'en même temps que la particule se déplace (on a dessiné plusieurs positions de la particule), le cône lumineux se translate. L'observateur voit la génératrice du cône arriver sur lui suivant la direction donnée par la flèche en pointillés dirigée vers l'observateur, qui fait l'angle θc avec la direction du mouvement de la particule.

Applications numériques :

pour un indice n donné, θc est compris entre 0 et une valeur maximale vérifiant cos θc = 1n, correspondant à une particule se déplaçant à la vitesse de la lumière. Pour l'air, n = 1,0003, la valeur maximale de θc est donc 1,4°, pour l'eau n = 1,33 donc θc vaut au maximum 41°, pour un verre d'indice n = 1,5 et θc vaut au maximum 48°.

On peut montrer que l'onde lumineuse émise par effet Cherenkov pour v > vl est émise essentiellement dans l'ultraviolet, les radiations visibles émises sont donc majoritairement situées dans le bleu.

Conclusion

Nous voyons que l’effet Cherenkov est bien dû au dépassement de la vitesse de la lumière par une particule matérielle chargée, provoquant un phénomène de « flash » par concentration locale de l’onde lumineuse, analogue au « mur du son » dans le domaine acoustique. Il n’y a aucune contradiction avec le fait que la vitesse d’une particule relativiste reste toujours inférieure à la vitesse de la lumière dans le vide. L’effet Cherenkov est possible parce que la lumière se propage dans le milieu à une vitesse inférieure à sa vitesse c de propagation dans le vide.

Article précédent : « Relativité et vitesse de la lumière ».

Dossier : « La vitesse de la lumière ».

Article suivant : « Vitesse superluminique en astronomie ».

Pour citer cet article :

Plus vite que la lumière : effet Cherenkov, Gabrielle Bonnet, Mathilde Glenat, avril 2012. CultureSciences Physique - ISSN 2554-876X, https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/cherenkov.xml

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