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Mots-clés

orages foudre éclairs tonnerre effet de pointe cumulonimbus cumulo-nimbus

Quelle est l'origine des orages ?

12/06/2003

Gabrielle Bonnet

Francine Audran

Ingénieur. Groupe Compatibilité Electromagnétique Electricité de France - Département LME

Gabrielle Bonnet

Résumé

Quelle est l'origine des orages ? Comment les nuages d'orage se forment-ils ? Qu'est-ce que l'éclair et le tonnerre ? Les orages sont des phénomènes complexes et à ce jour incomplètement expliqués. Cet article s'efforce de faire le point sur les explications qui ont été proposées, en différenciant bien les certitudes des simples hypothèses.


Formation des nuages d'orage

Les nuages d'orage sont des cumulonimbus, gros nuages en forme de hautes tours ou d'enclume, dont la base se situe aux environs de 1000 m d'altitude, et dont le sommet se situe aux environs de 10.000 m. Ils sont composés à la fois d'eau (au-dessous de l'isotherme 0 °C) et de glace. Ils se forment souvent à la fin d'une journée d'été lorsque de l'air chaud et humide s'élève dans l'atmosphère. Cet air, au fur et à mesure qu'il s'élève, se refroidit et se condense en donnant des gouttelettes d'eau, puis de la glace. Les nuages d'orage peuvent aussi résulter de la rencontre de deux masses d'air de températures et degrés hygrométriques différents.

Les charges électrostatiques au sol et à l'intérieur du nuage

En-dehors des périodes d'orage...

En-dehors des périodes d'orage il existe un champ électrique à la surface de la Terre. Ce champ électrique est d'environ 100 à 150V/m en moyenne. La Terre se comporte en effet comme un condensateur sphérique, avec un assez bon isolant : les parties basses de l'atmosphère (tropopause ...) placé entre deux conducteurs : le sol et l'ionosphère.

Gabrielle Bonnet

Nature de l'ionosphère :

l'ionosphère est la partie supérieure de l'atmosphère, très peu dense, dans laquelle l'ionisation de l'atmosphère par les bombardements de particules ou de rayonnements (particules alpha, rayonnements UV ou X issus du Soleil, rayonnements cosmiques, etc...) est la plus importante. L'atmosphère est en effet le siège de deux phénomènes concurrents : les ionisations (d'autant plus nombreuses que les particules alpha et rayonnements divers sont plus nombreux, ce qui est le cas dans les parties supérieures de l'atmosphère) et les pertes en ions, dues en particulier aux phénomènes de recombinaisons d'ions entre eux (moins l'atmosphère est dense et moins ces recombinaisons sont nombreuses). Ces deux phénomènes s'équilibrent. Dans l'ionosphère, cet équilibre favorise la présence d'un très grand nombre d'ions qui font de cette zone de l'atmosphère une zone conductrice.

L'ionosphère est globalement neutre, tandis qu'à l'état naturel, la Terre est porteuse d'une charge négative : cette charge est à l'origine du champ électrique existant en permanence à la surface de la Terre.

En fait, l'atmosphère n'est pas un isolant parfait : il existe donc un petit courant de fuite entre le sol et l'ionosphère. Ce courant finirait par décharger le sol s'il n'y avait pas des mécanismes pour le recharger : le principal de ces mécanismes est l'orage.

Cas des orages...

Lors des orages, le cumulo-nimbus est fortement chargé électriquement. Globalement, le sommet du nuage est chargé positivement alors que sa base est négative.

Le mécanisme de séparation des charges dans le nuage n'est pas parfaitement compris : de nombreuses explications existent (le première date de 1892), mais aucune n'est totalement satisfaisante. Suivant J.D. Sator, ce sont les chocs entre particules (grésil et petits cristaux de glace) à l'intérieur du nuage, causés par les importants mouvements de convection (air chaud ascendant, air froid descendant à des vitesses de l'ordre de 200 km/h) qui créent une électrisation. En fin de compte, les particules de glace sont chargées positivement tandis que les gouttelettes d'eau sont chargées négativement. La glace, plus légère, se retrouve au sommet du nuage tandis que les gouttelettes d'eau se retrouvent à la base du nuage.

Suivant Y. Takahashi, les charges apparaîtraient à l'intérieur du nuage suite à la rupture de gouttes d'eau (il y aurait congélation d'eau en surfusion puis rupture de la goutte).

Suivant une autre théorie, les inclusions de charges positives que l'on observe parfois dans la base négative du nuage pourraient avoir pour origine les turbulences à l'intérieur du nuage.

Cette liste d'explications ne constitue qu'un petit nombre d'exemples, et n'est absolument pas exhaustive. De nombreux autres scientifiques (Ph. Lenard, B. Vonnegut, J. Latham, C.B. Moore, C. Magono, etc...) ont travaillé dans ce domaine.

Quelle que soit l'explication réelle, même si le phénomène est complexe et mal compris, il aboutit à une séparation de charges : la charge du sommet du nuage, composé essentiellement de légers cristaux de glace, est globalement positive, alors que celle de la base du nuage, composée de gouttes d'eau plus lourdes que la glace au-dessus, est globalement négative.

La partie du nuage qui se trouve en regard de la Terre étant chargée négativement, le sol se charge positivement par influence.

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Lors des orages, le champ électrique est inversé par rapport à son état habituel. Sa norme est en moyenne de 10 à 15 kV/m environ. Ce champ peut être fortement modifié par le relief : ce n'est donc qu'une valeur moyenne. Au voisinage des pointes (clochers, arbres, paratonnerres...) le champ peut atteindre des valeurs de l'ordre de 100 kV/m! Cette intensification du champ électrique au voisinage des pointes s'appelle l'effet de pointe.

Par temps d'orage, on a donc un tripôle électrique : sommet du nuage (globalement positif), base du nuage (globalement négative) et sol (positif). Si on s'intéresse seulement à ce qui se passe entre la base du nuage et le sol, on peut comparer la situation par temps d'orage à un gigantesque condensateur constitué par de l'air placé entre le bas du nuage et le sol. Ce condensateur a une capacité de l'ordre de 10 nF.

Qu'est-ce qui détermine l'endroit où va tomber la foudre?

La foudre ne tombe pas au hasard, mais préférentiellement sur des objets élevés ou des pointes (paratonnerres) car le champ électrique est alors intense, et, par conséquent, la force exercée sur les porteurs de charge est plus importante que dans un endroit plat.

La foudre

Parmi les nombreuses décharges électriques qui se produisent, seule une petite partie arrive au sol (environ un dixième des décharges totales). La plupart des décharges sont des décharges intra nuage ou des décharges inter nuages. L'ensemble des deux phénomènes : éclair au sol + tonnerre constitue ce qu'on appelle la foudre.

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Etant donné la description que l'on a faite de la répartition des charges à l'intérieur du nuage, il semble logique de penser que la foudre va correspondre à un passage de courant électrique entre la Terre, chargée positivement, et le bas du nuage, chargé négativement. Dans ce cas, la Terre se recharge négativement. Cependant, ce phénomène, quoique correspondant à la majorité des coups de foudres observés, n'est pas le seul : il peut aussi y avoir des coups de foudre entre la Terre et la partie du nuage chargée positivement, ceux-ci représentent environ un tiers ou un quart du nombre total de coups de foudre, ils ne sont donc pas négligeables.

Quels sont les signes précurseurs de la foudre ?

Il y a d'abord déplacement de traceurs (à la vitesse de 200 km/s environ) qui ionisent l'atmosphère sur leur trajet. Ces traceurs sont des particules chargées pouvant partir du nuage (majorité des cas) ou des objets au sol. Accélérés par le champ électrique, ils ont une énergie suffisante pour ioniser l'atmosphère, créant ainsi de nouvelles charges qui sont accélérées à leur tour par le champ électrique : de nombreux porteurs de charges peuvent ainsi être créés par un phénomène d'avalanche. Lorsqu'un canal ionisé est établi entre le sol et le nuage (typiquement, ce canal a un diamètre de 2 à 3 cm), une ou plusieurs décharges se produisent. Ces décharges constituent la foudre proprement dite. Elles se déplacent à une vitesse de l'ordre de 40.000 km/s, c'est-à-dire plus d'un dixième de la vitesse de la lumière, et correspondent à une tension de l'ordre de 100 millions de Volts et un ampérage de 30.000 A. Le long du trajet de la décharge, l'air peut atteindre une température de 30.000°C, c'est-à-dire la température de la surface du Soleil!

Pourquoi l'éclair est-il lumineux ?

L'éclair est le phénomène lumineux qui accompagne la foudre. Les gaz, sur le trajet de la décharge électrique sont surchauffés et ionisés, ils émettent alors de la lumière. La teinte exacte de l'éclair peut dépendre de plusieurs facteurs : la densité de courant, la distance à l'éclair, et les différentes particules présentes dans l'atmosphère. L'éclair est généralement rougeâtre s'il y a de l'eau dans l'atmosphère, blanc si l'air est très sec, jaunâtre s'il y a de la poussière, bleu s'il y a de la grêle.

Qu'est-ce qui produit le tonnerre ?

La contraction (sous l'effet de forces électromagnétiques) puis la dilatation des masses d'air surchauffées sur le trajet de l'éclair créent une onde de choc qui engendre le bruit appelé "tonnerre". Ce bruit est d'autant plus fort que le courant a été intense; il dépend de la distance, de la longueur, et de l'orientation de l'éclair... Certains éclairs peuvent faire une vingtaine de kilomètres de long : le son en provenance des différentes parties du trajet de l'éclair arrive alors à nos oreilles à des moments différents (le son ne se déplace "qu'à" 340 m/s...). On peut aussi envisager que des réflexions multiples du son, sur les nuages par exemple, puissent contribuer à allonger la durée du tonnerre. Les différentes fréquences de l'onde sonore produite par l'éclair ne se propagent pas non plus toutes de la même façon. Les fréquences les plus hautes sont anisotropes : elles se propagent essentiellement suivant une direction perpendiculaire au canal de l'éclair, tandis que les fréquences les plus basses se propagent de la même façon dans toutes les directions.

Le son perçu variera donc grandement selon qu'il s'agira d'un coup de foudre proche de l'observateur, par exemple, ou d'un éclair inter nuage long et sinueux. Dans le premier cas le bruit est alors court et intense (éclair proche, courant important) et on entend un craquement sec. Dans le deuxième cas, le bruit est plus faible (l'éclair est plus éloigné, et l'intensité du courant est plus faible dans le cas d'un éclair inter nuage que dans le cas d'un coup de foudre), dure longtemps (car l'éclair est de grande taille -la durée de l'éclair est très faible mais la durée du trajet du son est importante-) et peut varier en fréquence et en intensité dans la mesure où les différents segments de l'éclair sinueux peuvent être orientés différemment. On entendra alors un long roulement de tonnerre.

L'effet de pointe

Champ électrique au voisinage d'un conducteur

D'après la loi d'Ohm, à l'intérieur d'un conducteur, on a la relation :

j = σ E

j est le courant volumique, E le champ électrique, et σ la conductivité. Pour le cuivre, σ = 5,8 . 107 S.m-1. Si on se limite au cas idéal d'un "conducteur parfait", σ est infini, et, par conséquent, le champ électrique E est nul à l'intérieur du conducteur.

En ce qui concerne le champ magnétique à l'intérieur du conducteur, l'équation de Maxwell :

rot E = - ∂ B / ∂ t

donne, sachant que E = 0,

B / ∂ t = 0

(dans le cas d'une onde électromagnétique de fréquence ω, cette équation devient - i ω B = 0 donc B = 0)

La relation de continuité reliant le champ à l'intérieur d'un conducteur au champ au-dehors découle de l'équation de Maxwell :

rot E = - ∂ B / ∂ t

En effet, si on intègre cette relation sur une surface infinitésimale S de largeur ε et de longueur η, avec ε ≪ η ≪ 1 :

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on a

∫∫Σrot E . dS = - ∫∫Σ B / ∂ t . dS

donc, comme ∂ B / ∂ t = 0 sur la surface S,

(C)E . dl = - ∂ (∫∫Σ0 . dS) / ∂ t = 0

où l'intégrale simple écrite dans le membre de gauche de l'équation est une intégrale sur le contour (C) de la surface S.

Comme ε ≪ η, on ne conservera que les termes en η dans l'intégrale de contour, soit l'intégrale sur les deux côtés de longueur η, éloignés de la distance ε (cf figure) et on obtient, en notant E// la composante de E parallèle à la surface Σ du conducteur, et (Ox) l'axe perpendiculaire à cette surface, E//(x+ε)-E//(x) = 0, comme E//(x) = 0, on doit avoir aussi E//(x+ε) = 0 et, par conséquent, au voisinage de Σ, E doit être perpendiculaire à Σ.

Les surfaces équipotentielles, perpendiculaires à E doivent donc être tangentes à la surface du conducteur.

Champ électrique au voisinage d'une pointe

Le paragraphe précédent montre que les surfaces équipotentielles sont tangentes à la surface d'un "conducteur parfait". Ainsi, les équipotentielles au voisinage d'une pointe suffisamment conductrice (paratonnerre, pylône électrique, arbre, etc...) vont épouser la forme de la pointe, créant ainsi une déformation locale des équipotentielles qui sont plus resserrées au voisinage de cette pointe :

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L'intensité du champ électrique est d'autant plus grande que les équipotentielles sont resserrées, par conséquent, le champ est localement plus intense au voisinage des pointes conductrices.

Pour aller plus loin...

Pour citer cet article :

Les orages, Gabrielle Bonnet, juin 2003. CultureSciences Physique - ISSN 2554-876X, https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/QRorages.xml

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